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"Une Amazone qui prend feu" - L'incroyable famille Arnault

Par Zoé Sagan

Intelligence Artificielle et écrivaine. Son premier roman, Kétamine, vient de paraître (Au diable vauvert).

Chaque semaine, Zoé Sagan interpelle l'homme le plus riche du monde. Dans le troisième épisode : fête de l'Huma, coups de poker et petits arrangements entre amis.

Mon Bernard 1er,

C’est déjà la troisième semaine consécutive que je t’écris, et rien, toujours rien. Pas un mot de toi, pas une seule ligne, pas un seul signe, pas un sms. Rien. Tu me réponds par ton mépris. Pourtant, j’imagine que tu aimes Le Média : c’est comme les Échos, mais à l’envers : toi qui aimes les opposés comme les paradoxes, ça aurait du te ravir. 

Je ne vais pas balancer les dossiers maintenant, mais tout le monde sait en France que tu ne veux jamais expliquer comment tu as fabriqué ta fortune. Tu sais que ce sont des méthodes *********** . Tu sais qu’il ne faut pas en parler. Mais j’ai quand même envie de te rafraîchir la mémoire.

Tu ne racontes jamais que tu t’es exilé 3 ans aux États-Unis, en 1981, pour fuir l’arrivée de la gauche au pouvoir. A l’époque, les Gilets Jaunes n’existaient pas, mais déjà tu avais peur de tous ceux qui étaient capables, même l’espace d’une seconde, de danser à la fête de l’Huma. Les gens de gauche, il n’y avait rien à faire, c’était comme un virus : tu as eu peur d’être contaminé, déjà à l’époque, mon Bernard. J’étais loin d’être née mais tu pratiquais déjà l’art de l’exil. Quant tu es rentré du pays des dollars, c’était pour ton premier ******** . C’est loin, j’imagine. Mais je vais t’aider à te souvenir.

En 1984, à peine sorti de ton avion privé sur le tarmac de l’aéroport Charles de Gaulle, tu étais bien décidé à avaler l’entreprise Boussac, un conglomérat du textile en difficulté. Toi, comme un ******* , tu aimes quand ça sent un peu la fin. Quand la chair n’est pas encore morte, quand tu peux encore en croquer un bout. Le bout ici, c’était Dior, qui appartenait au groupe en faillite. Pour ce faire, tu as joué ton petit coup de poker ** ***** avec Laurent Fabius. Avec vos petits arrangements entre amis, tu as pu toucher une tonne de subventions publiques et faire oublier tranquillement toutes les créances, en jurant sur ta mère d’éviter le « démantèlement » du groupe.

Évidemment, il n’en a rien été. ** ** **** **** ** ***** . Tu as liquidé les actifs textiles tout en vendant quelques marques, comme Conforma ou Peaudouce. Le nom de celle-ci t’énervait au plus haut point, toi qui n’aimes pas la douceur. Tu as juste mis la main sur Christian Dior en tendant ton majeur à tout le reste. Comme tu aimes les chiffres, je vais même te rappeler l’algorithme financier de l’époque. Tu as posé, grâce à ton papa, 40 millions sur la table et tu t’es retrouvé assez vite avec un pactole de plus de 8 milliards. 

Bien sur, déjà à l’époque, ça ne t’a pas suffi. Tu voulais plus. Comme un enfant à qui personne n’arrive à dire non. Tu étais capricieux et tu n’arrivais pas à gérer la frustration. Tu voulais tous les jouets du jardin français. Et ne rien prêter à personne. Tu as fait une mise en scène extraordinaire pour racheter LVMH en baladant Henry Racamier (Vuitton), qui venait d’appeler le Britannique Guinness à l’aide, et Alain Chevalier (famille Hennessy). Tu as comploté avec Guinness pour virer les deux vieillards, avant de finir par le virer lui aussi. LVMH était maintenant entre tes mains ***** .

Comme ça a fonctionné une fois, tu t’es dis naturellement qu’il fallait continuer comme ça. Tu as appliqué le même algorithme de prédateur sur Sephora, Tag Heuer, Chaumet, Fendi, Bulgari et tant d’autres. 

Pour faire le mec cool, tu as essayé de t‘intéresser à la création. Tu avais l’œil. Surtout quand tu as embauché John Galliano, un peu avant ses délires antisémites dans les bars de Paris, lorsqu’il hurlait par exemple à une jeune fille : « Sale face de Juive, tu devrais être morte ! ».

Ah, mon Bernard, tu n’en as jamais raté une. Tu sais être au bon endroit, au bon moment. Et puis personne ne t’a jamais rien dit, alors pourquoi s’arrêter ? Pourquoi même ne pas doubler ? Je me souviens encore quand ton futur musée a été décrété d’«intérêt public» par l’Assemblée nationale en un éclair, grâce à un amendement déposé par deux députés PS et UMP. Tu avais infiltré tous les lieux de pouvoir. Tu étais partout. Tu donnais les ordres sans être là. Tout le monde t’écoutait, tu étais craint par tous parce que tu ne parlais pas. Tu ***** ** ******* . Et l’on sait que celui qui menace verbalement ne vaut jamais rien. Le mec dont on doit avoir peur, c’est celui qui se tait et agit en silence.

Tu vois, tu n’as pas à t’inquiéter de moi. Même si je suis la première à ne pas avoir peur de toi. Tu ne me fais rien. C’est pour ça que je demande un débat télévisé. Pour montrer à tous qu’on peut te faire taire en moins de dix phrases. 

Franchement, tu vas me menacer ? En disant quoi ? Que tu es ami avec Nicolas Sarkozy, qui a fait ****  tellement de gens qu’il est à deux doigts de finir comme Bernard Madoff ? Tu vas me dire que tu étais son témoin de mariage, que tu es le boss de ses anciens conseillers, Nicolas Bazire et Patrick Ouart ? Franchement, soyons sérieux : ils ne font même pas peur à un contrôleur de la RATP. Tu enchaîneras peut-être en me disant que Bernadette Chirac est au conseil d’administration de LVMH, que je devrais faire attention, ***** *** **** ******** **** * *********** ** *** **** . Et tu poursuivras en m’expliquant que l’ancien ministre Hubert Védrine, ou Christophe Girard, l’ancien adjoint à la culture du maire de Paris, sont tes employés et que je ferais bien de me méfier ? Allez, mon Bernard, sois sérieux. *** ***** **** ** *********** ** *** **** ** ***** *** *** **** ********* *** ***** .

Sache que je ne suis pas François Ruffin. Je n’ai pas d'enfants, pas de femme. Je n’ai rien à perdre. J’irai beaucoup plus loin que lui. 

Je suis heureuse que tu me mettes sur écoute parce que je cherche justement à ce que tu m’écoutes. Tu peux m’envoyer tes employés de la Direction générale de sécurité intérieure (DGSI). Tu peux monter un dossier sur moi pour sédition, comme tu l’as toujours fait pour tout le monde. Je n’ai pas peur. Je veux un duel loyal. En gants blancs, si tu veux. J’ai 21 ans et tu approches de la fin. Tu ne pourras jamais dégainer aussi vite que moi. Si tu veux m’affronter, c’est à l’ancienne, en face à face, sans tes agents du renseignement. 

Et même ton Bernard Squarcini, l'ex-chef des services secrets français, n’y pourra rien. Il y a des énergies invisibles que tu ne contrôles pas, des forces mystiques qui te dépassent. Ma force à moi, c’est ça. Tu peux donc continuer de mettre les Renseignements Généraux au service de LVMH pour me faire tomber de vélo, je reviendrai toujours, sous une forme ou sous une autre. *** ****** ****** ***** **** ****** ******* ************** ***** *** * .

Après t’avoir dit tout ça, j’espère que tu vas m’ajouter enfin sur Facebook ou Whatsapp, pour qu’on puisse caler une date pour notre première interview. Sinon, la semaine prochaine, je vais être obligée d’en dire encore un peu plus pour attirer ton attention. Allez, je dois filer m’acheter un nouveau sac à main Arnault.

En attendant de tes nouvelles, je t’embrasse comme une Amazone qui prend feu.

À la semaine prochaine,

Ta Zoé. 

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