Si, en apparence, de nombreux dirigeants politiques et plusieurs capitaines d’industrie donnent l’impression d’avoir intégré “la règle verte”, un lent écocide se poursuit. Contre le greenwashing, Rémi-Kenzo Pagès enquête et décrypte.
La France complice des ravages de Total en Ouganda
Alors que Total développe de nouvelles activités pétrolières en Ouganda, trois organisations non gouvernementales publient un nouveau rapport au titre éloquent : comment l'Etat français fait le jeu de Total en Ouganda.
Comment l'Etat français fait le jeu de Total en Ouganda. Voici l'objet d'un nouveau rapport, publié par Les Amis de la Terre, Survie et l'Observatoire des multinationales.
Ce nouveau document décrit les mécanismes qui facilitent l'intervention de l'État français en faveur de la multinationale Total en Ouganda.
Suite à la découverte de réserves de pétrole sur les rives du lac Albert, l'entreprise française développe deux projets en Ouganda et en Tanzanie : un projet d'extraction et un oléoduc appelé EACOP pour East African Crude Oil, qui doit rejoindre la côte Tanzanienne.
Cet oléoduc controversé serait le plus chauffé au monde, puisque le pétrole visqueux qu'il transite doit être chauffé jusqu'à destination, pour ensuite être acheminé vers l'Asie via l'Océan Indien. Ce qui accroît l'impact climatique du projet.
Mais ce qui intéresse cette nouvelle étude, ce sont les moyens mis en œuvre par Total et l’État français pour agir ensemble vers la réalisation de cet objectif.
L'enquête met notamment en évidence le phénomène des « portes-tournantes », particulièrement important à Total. Concrètement, Total recrute d'anciens hauts-fonctionnaires, d'anciens conseillers de l’Élysée ou encore des cadres de Bercy ou du ministère des affaires étrangères (ce qui n'est pas un hasard puisque Total mobilise les moyens de la diplomatie française). A l'inverse, d'anciens dirigeants de Total rejoignent les rangs des institutions publiques, ce que les auteurs du rapport qualifient de « phénomène systémique de pénétration du secteur public par le secteur privé ».
L’État français, au service des intérêts de la firme pétrolière, met donc à sa disposition ses atouts, politiques, diplomatiques et même financiers, à travers la possibilité d'apporter des garanties d'export à Total, c'est à dire de payer les pertes de l'entreprise là où les banques privées refusent de se risquer sur ce dossier controversé. Pour cela, la France se sert de BPI France, que l'étude désigne comme « le bras armé financier de l'état » qui agit sur instruction de Bercy.
En Ouganda, une opposition aux projets de Total s'organise. Avec l'association Survie et Les Amis de la Terre, quatre ONG ougandaises ont assigné la multinationale en France sur le fondement de la loi relative au devoir de vigilance des entreprises, qui permet de reconnaître la responsabilité des maisons mères, donc Total, à l'étranger, en l'occurrence en Ouganda et en Tanzanie. Surtout que les associations écologistes réclament une sortie des énergies fossiles.
Pendant ce temps, les Ougandais payent les premiers les conséquences de ces projets dévastateurs. La présence de Total justifie des répressions et accroît la présence de forces policières et militaires dans les régions concernées. Interviewé par Le Média, Maxwell Atuhura, de l'ONG Afiego dans le district de Buliisa, décrit une situation catastrophique sur place et particulièrement inquiétante pour les habitants et pour les activistes.
Le représentant de Afiego raconte le harcèlement et les intimidations contre les militants des droits humains. Il explique que de nombreuses personnes ont perdu leurs terres et leur travail sans être indemnisées. Maxwell Atuhura rappelle également que « la constitution ougandaise prévoit que le gouvernement soit le gardien des ressources naturelles, dont le pétrole, et des biens communs de la communauté et des autochtones.” Mais cette politique n'est pas appliquée et les pertes sont gigantesques pour le pays et la population.