“Make elections great again”, le podcast du Média qui vous propulse, avec humour et précision, au cœur de l’élection présidentielle américaine...
Biden / Trump : Agressions sexuelles et eau de javel
Creepy Joe est dans la tourmente. Après avoir réussi à s’imposer face à Bernie Sanders dans la primaire démocrate, l’ancien vice-président Joe Biden, se retrouve désormais face à une accusation de viol émise par une de ses anciennes assistantes. Quant à Trump qui enchaîne les bourdes, sa campagne ne semble pas beaucoup mieux engagée… L’avenir de cette élection présidentielle américaine est donc plus incertain que jamais.
On le croyait ressuscité, voilà qui pourrait l’achever. Depuis plusieurs jours, la campagne de Joe Biden se retrouve bousculée par une plainte pour agression sexuelle dont il fait l’objet, provenant de Tara Reade une ancienne collaboratrice. Rendue publique fin mars, l’affaire remonte à 1993, lorsqu’il était encore sénateur et fait suite à plusieurs autres révélations. L’année dernière, l’avocate et membre du parti démocrate Lucy Flores et sept autres femmes dont Tara Reade avaient en effet tenté l’alerte. Ces nouveaux éléments pourraient donc bien avoir fini par percer le voile de l’opinion publique dans cette période post #Metoo.
Joe Biden fait donc face à une double accusation: la première pour harcèlement sexuel, rendue publique en 2019 par le collectif de femmes représenté par Lucy Flores. Et la seconde pour une agression sexuelle (pouvant être qualifiée de viol selon les législations en vigueur) et ayant fait l’objet d’un dépôt de plainte par Tara Reade le 9 avril dernier. Pour celui que ses détracteurs surnomment parfois Creppy Joe (Joe le malsain) ces accusations entrent en résonance avec son attitude envers les femmes devant les caméras.
Le candidat démocrate à l’élection présidentielle, s’était jusque là contenté d’un communiqué de presse de campagne, mi-avril, niant les fait. Mis sous pression, il a pris publiquement la parole sur cette affaire pour la première fois vendredi dernier. Et si Joe Biden continue de rejeter toute accusation de harcèlement comme agression sexuelle, cela le place dans une situation délicate. Il était à l'époque le supérieur hiérarchique de Tara Reade et ne sera désormais plus en mesure de remanier ultérieurement sa version des faits, comme reconnaître des comportements mal interprétés ou une relation consentie.
Sac de sport et vieux dossiers
Selon Tara Reade, alors âgée de 29 ans, elle devait ce jour là livrer un sac de sport à Joe Biden. Lorsqu’elle l’aurait croisé dans un couloir, le sénateur l’aurait alors « plaquée contre un mur » embrassée sans mot dire et « pénétrée avec ses doigts » et n'aurait lâché prise que lorsqu’elle lui aurait exprimé explicitement son désaccord. Tara Reade aurait à l’époque adressé une plainte, ne faisant pas état de l'agression sexuelle mais d'actes de harcèlement, à la responsable du personnel du Capitol. Une trace écrite potentielle qui engendre une polémique sur la réouverture des archives. Pour Biden elle entraîne en effet le risque que cela exhume d'autres faits gênants pour sa campagne.
Aucun des 5 collaborateurs de Joe Biden contactés par le NYT ne confirment avoir eu connaissance de cette accusation de harcèlement à l’époque. Tara Reade a cependant toujours déclaré que sa mère, son frère, une amie et une ancienne voisine (elle vivait alors en Californie) étaient au courant. Une version que son frère, son amie et son ex-voisine confirment. Quant à sa mère, décédée depuis, le site d’investigation The Intercept a exhumé une vidéo d’une émission de CNN datant de 1993 semblant corroborer les faits. Sur cet extrait une téléspectatrice, résidant dans la ville où vivait la mère de Tara Reade, demande de « quels recours dispose une employée parlementaire à part les médias » et relate le cas de sa fille qui aurait « quitté son poste après avoir travaillé pour un sénateur très connu ». Si le témoignage comporte peu d'éléments factuels, il renforce néanmoins la crédibilité de l’accusation.
Bulle médiatique et hypocrisie
Hasard du calendrier, cette tempête médiatique intervient au moment de l’annonce du soutien officiel d'Hillary Clinton à la campagne de Joe Biden. Et s’il était prévisible et ne revêt pas, contrairement à celui de Barack Obama ou de Bernie Sanders, de signification particulière cela n'a cependant pas manqué de susciter de vives critiques outre-Atlantique. Notamment du côté des supporters pro-Trump.
En effet, en 2018 le parti démocrate avait redoublé d’efforts entraver la nomination du très conservateur Bret Kavanaugh à la cour suprême, tandis qu’il était sous le coups d'accusations similaires. L’absence de réactions du camp démocrate sur cette situation interne fait donc grincer des dents. En 2017, le sénateur du Minnesota, Al Franken, accusé d'agression et de harcèlement sexuels à la suite de l’affaire Weinstein avait pourtant été poussé à la démission par la plupart de ses collègues démocrates.
Le silence du camp démocrate s’explique alors en partie parce que Biden n’était pas le favori de cette primaire lorsque les premiers témoignages ont été rendus publics. De plus la bulle médiatique qui entoure le parti a probablement allongé le délai de prise en compte de cette affaire. Jusque là l’information n’avait en effet pas atteint le grand public. La donne a changé lorsque les médias de la sphère conservatrice se sont saisi de l’affaire, suivis par le NY Times après le retrait de Sanders. L'éclatement de cette bulle a ainsi forcé Joe Biden à prendre la parole. Dans les rangs de l’establishment comme dans la base militante tous semblent se rallier derrière lui. Il reste cependant difficile de savoir quel impact cela va avoir dans la population générale.
Trump on mute
En 2016 Trump avait été élu malgré de multiples accusations similaires et des propos sexistes. Alors si du fait de son passif il ne peut pas attaquer Joe Biden de front, il ne manque pas de souligner l’hypocrisie du parti. Mais tandis que Biden se débat dans ces affaires, le président enchaîne les bourdes. Ses récentes déclarations polémiques sur le traitement du covid par ultraviolets ou des « injections d’eau de Javel » ont ainsi conduit son équipe à revoir la stratégie de communication du candidat. Il se retrouve ainsi privé de son point presse quotidien suite la nomination de sa nouvelle conseillère presse, vendredi dernier. Sa côte de popularité est retombée au niveau, relativement bas, qu’il avait avant la crise. Et les récents sondages nationaux le donnent derrière Joe Biden lors de l'élection présidentielle. Au point que Donald Trump aurait menacé d’éviction son directeur de campagne.
Malgré les manifestations minoritaires soutenues par Trump et relayées par la presse, les sondages montrent enfin que la majorité des américains restent attachés au confinement et sont inquiets de la levée progressive des mesures en cours. Entre une politique de santé publique contestée, une communication « javellisée » et l’anéantissement de son bilan économique par la crise, bien malin serait celui-qui pourrait annoncer un pronostic du scrutin de novembre prochain.