Thomas Porcher, économiste, signataire du manifeste des Économistes atterrés, et auteur de nombreux essais dont « Les Délaissés » et « Traité d’économie hérétique » débunke chaque semaine, sur le plateau du Média, les fausses évidences des gardiens du temple néolibéral. À l'occasion, d'autres économistes et praticiens de l'économie viennent répondre aux questions du Média dans le cadre de ce module.
Taxer les riches pour sauver le monde ? Tremblement de terre chez les macronistes
Qui a dit « Nous préconisons un impôt exceptionnel sur le patrimoine financier des plus aisés pour la transition climatique » ? C’est l’économiste Jean Pisani-Ferry, orthodoxe convaincu et proche d’Emmanuel Macron. “On va devoir faire en 10 ans ce qu’on a à peine fait en 30 ans”, déclare l’économiste dans un entretien accordé au Monde, à la question de savoir comment réaliser les objectifs de baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre. D’abord, Jean Pisani-Ferry plaide l’endettement, il affirme je le cite “il y a beaucoup de mauvaises raisons de s’endetter, et le climat n’en est pas une !”. Selon l’économiste, si l’on suit son rapport, la dette va s’alourdir de 10 points de PIB, soit passer de 250 milliards à 300 milliards d’ici l’horizon 2030. Ensuite, il faudra s’appuyer sur la fiscalité. Jean Pisani-Ferry préconise une hausse des prélèvements obligatoires sur les plus aisés. “Ce n’est pas uniquement une question de ressources : il s’agit de convaincre les Français que la charge est équitablement répartie.” Des mesures que Thomas Porcher et ses collègues mettaient déjà en avant il y a plusieurs années. L’endettement est finalement de l’investissement, et plusieurs études ont montré que l’État récupère plus qu’il ne dépense lors d’une phase d’endettement pour l’investissement dans, par exemple, la rénovation thermique des bâtiments. Le problème est qu’il faut une vision politique à long terme, l’inverse de ce qui est appliqué aujourd’hui. Mais avoir de l’argent c’est bien, l’investir dans une vraie transition écologique c’est mieux, et ce n’est pas le chemin que prend le gouvernement.
La réforme des retraites, ce n’est pas terminé. Le groupe LIOT a déposé une proposition de loi qui vise à abroger la réforme des retraites. Elle sera débattue le 8 juin à l’assemblée nationale. Enfin, normalement.
Car la majorité réfléchit à toutes les stratégies pour éviter le vote dans l’hémicycle, trop dangereux, selon elle.
En effet, Franceinfo et Mediapart révèlent que le parti présidentiel prépare une riposte, notamment en utilisant les outils constitutionnels.
Tout le monde parle de l’article 40 de la Constitution, qui consiste à juger que les propositions et amendements des parlementaires ne sont pas recevables s'ils entraînent une diminution des recettes ou un alourdissement des charges publiques. Mais dans le même temps, la Constitution autorise la compensation de ce coût par l'augmentation d'une autre recette.
Pour l’instant, Eric Coquerel, LFI et qui préside la commission des finances, doit d'abord lui se prononcer sur la conformité de la proposition par rapport à ce fameux article 40. Puis, la commission des affaires sociales doit encore étudier le texte sur le fond à partir du 31 mai. Et c’est ici que la majorité établit sa stratégie : supprimer l’article sur l’abrogation du report de l’âge dans cette commission où la macronie n’est pas majoritaire mais sort la calculette pour faire alliance avec des républicains.
En dernier recours, Yael Braun-Pivet, la présidente de l’AN et macroniste, pourrait peut-être utiliser ce fameux article 40. La députée demande d’ailleurs à Eric Coquerel de l’utiliser en commission des finances, alors qu’elle même ne l’a pas utilisé quand le texte est passé par le bureau de l’assemblée bref ça repart en bataille de constitutionnalité, une nouvelle fois. Mais ça montre bien que le parti présidentiel est embêté voire déstabilisé.
Thomas Porcher affirme que c’est une bonne chose de ne pas lâcher l’affaire que la question des retraites, alors que l'exécutif tente de passer à autre chose. Les français y sont opposés et il faut le rappeler.