Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.
Alerte ! Arnaque sur les retraites
Emmanuel Macron et son gouvernement s’obstinent face à la colère et à la mobilisation de la masse des citoyens de notre pays. Les mesures annoncées par Édouard Philippe le 11 décembre n’ont qu’un but : affaiblir le mouvement social qui monte face à une réforme qui baisse les pensions, retarde les départs à la retraite et fragilise le système de retraite.
Pour briser la solidarité entre générations, Édouard Philippe partage les actifs en trois : les jeunes (nés à partir de 2004) pour lesquels la réforme s’appliquera dès 2022 ; les personnes nées avant 1975, qui resteraient dans les anciennes règles (pour certaines, jusqu’en 2037 au moins); et les personnes d’âge intermédiaire dont la retraite serait calculée selon les anciennes règles pour la partie de leur carrière allant jusqu’en 2025, selon les nouvelles règles ensuite. D’ici 2037, au moins, es anciens régimes et le nouveau vont cohabiter, mais les régimes existants actuellement vont être de plus en plus déficitaires, en perdant les cotisations des entrants, donc de plus en plus dans la main de l’État. Comment seront garantis les droits des salariés et retraités dans ces systèmes jusqu’en 2037 ?
Édouard Philippe ne s’est pas engagé clairement à ce que la valeur du point d’achat augmente comme le salaire moyen. Il s’est contenté d’assurer qu’elle sera au moins indexée sur les prix. L’indexation sur les salaires ne se ferait que progressivement. Aucune garantie n’a été donnée sur le taux de rendement (les 5,5% à l’âge pivot de 64 ans figurant dans le rapport Delevoye). Toutes les manipulations seront donc possibles. Il est déjà prévu que l’âge pivot augmente progressivement, ce qui fera baisser la retraite à 62 ou 64 ans.
Le minimum contributif de 1000 euros par mois serait mis en application dès 2021. Il est déjà de 967 euros pour la masse des salariés du privé, il devrait être de 85% du SMIC, soit 1023 euros selon la loi de 2003, c’est la majorité actuelle qui a refusé que ce minimum s’applique dès 2019 aux agriculteurs. Ces 85 % ne s’appliqueront qu’à partir de 64 ans pour une carrière de 43 année, au moment du départ et non tout au long de la retraite . Au bout de 20 ans, une personne de 84 ans n’aura plus qu’une retraite de 70% du SMIC. Il restera donc beaucoup de petites retraites.
Le gouvernement dit renoncer à prendre des mesures d’urgence pour équilibrer le déficit imaginaire des régimes de retraite. Il prétend confier cette responsabilité aux partenaires sociaux dès 2021. L’exemple de l’assurance chômage est édifiant : le gouvernement tiendra les rênes pour imposer ses vues. Les partenaires sociaux devront faire passer progressivement l’âge du taux plein à 64 ans (qui devront être atteints en 2027), ceci en introduisant très vite une décote entre 62 et 64 ans, de sorte que tous les actifs actuels seront frappés par la réforme: ils devront choisir entre travailler deux ans de plus ou subir une décote de 10% durant toute leur retraite. Par ailleurs, le gouvernement ne donne aucune garantie sur les ressources du système. Il pourra les manipuler à sa guise, en ne compensant plus les exonérations de cotisations sociales, en réduisant les cotisations sur les emplois publics.
Contrairement à la propagande du gouvernement, ce seront les femmes à carrière heurtée qui seront les plus frappées par le passage à un système plus contributif. Toute période non travaillée se répercutera sur la retraite. La majoration de durée d’assurance pour les mères sera supprimée. Quant à majoration de 5% par enfant élevé, les parents devront choisir entre une majoration élevée pour le parent à plus forte retraite et une majoration faible pour l’autre (la mère généralement).
Les mesures de compensation de la pénibilité du travail restent très limitées. Le départ pourra être au mieux avancé de 2 ans, avec un dispositif individuel, compliqué (le compte professionnel de pénibilité) qui ne monte que lentement en puissance. Les promesses faites aux enseignants et autres fonctionnaires à faibles niveaux de prime sont très insuffisantes. Le gouvernement ne semble pas disposer à dégager les 15 milliards nécessaires pour que leurs pensions ne baissent pas. Pire, les faibles compensations promises seraient accordées sous forme de prime en échange de hausse de la durée du travail, comme si les enseignants ne faisaient pas déjà des journées pleines.
Le Premier ministre a été obligé d’avancer masqué, de rappeler l’attachement des français à la Sécurité sociale. Mais il veut imposer une réforme compliquée, injuste, qui va fragiliser et abimer notre système de retraite.