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Lanceur d'alerte : menacé par les services secrets

Dans la France de 2020, vous pouvez dénoncer des mensonges d’État… puis vous retrouver sur le banc des accusés ! On peut résumer ainsi la mésaventure de Benoît Muracciole. À 60 ans, il est président de de l’Association Action Sécurité Éthique Républicaine. Son ONG se bat pour empêcher l’exportation d’armes françaises dans des pays où elles pourraient servir à de graves violations des droits de l’homme, à des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Pour avoir été “trop” regardant sur les livraisons d’armes au Yémen, il est aujourd’hui menacé par les services secrets et l’institution judiciaire. Dans cet entretien d’actu, il raconte.

Pour avoir contesté les exportations d’armes vers le Yémen, Benoît Murraciole s’est retrouvé convoqué à la DGSI. En haut lieu, on s’inquiète. L’action judiciaire de l’association ASER pour enjoindre le gouvernement français et le lobby militaro-industriel à respecter les conventions internationales ne semble pas avoir été reçue avec sympathie. « Nous avons attaqué le gouvernement français parce qu’il prend les décisions d’exportation. Le lobby militaro-industriel a une responsabilité, mais c’est d'abord celle du gouvernement, qui doit en répondre devant le citoyen français », explique le militant associatif, dont la procédure est soutenue par les ONG Médecins du Monde, Action contre la faim, l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture), Sherpa et Salam for Yemen.

En 2019, le Bahri Yanbu, un cargo saoudien, doit rejoindre le port du Havre pour y récupérer des armements à destination de la coalition saoudienne. En conséquence, l’ASER dépose plainte, « une première dans l’Histoire de France contre le gouvernement français sur les exportations d’armes illégales », souligne Benoît Murraciole. L’ASER et l’ACAT déposent un référé liberté, qui permettra de « bloquer l’arrivée même du Bahri Yanbu ». Les ONG s’apppuient sur les révélations de nos confrères de Disclose : « Disclose révèle que des armes françaises sont utilisées au Yémen, ce que les représentants du gouvernement – Florence Parly, Jean-Yves le Drian, le Premier ministre et le président de la République – ont nié jusqu’à maintenant ».

Pour avoir repris ces informations publiées par Disclose, classées secret défense, le président de l’ASER se retrouve convoqué à la DGSI en septembre 2019, et écope d’un rappel à la loi. « Ces signes-là sont extrêmement troublants pour l’équilibre de notre société : la justice est construite de façon à ce qu’il y ait un débat contradictoire. […] On demandait au procureur de chercher les éléments qui pouvaient montrer notre bonne foi dans l’utilisation de ce secret-défense », explique le militant associatif, qui juge que « le procureur aurait du convoquer le chef du gouvernement. […] Mais c’est nous qui sommes rappelés à la loi ».

« On sait qu’on viole le secret de la défense nationale. Mais l’esprit du secret de la défense nationale est dévoyé : l’intervention au Yémen n’a rien à voir avec la défense nationale directement. On pourrait même renverser la chose : les exactions, les crimes de guerre que couvre le gouvernement français et dont il est coresponsable mettent en danger les citoyens français, parce que les groupes comme Al-Qaida ou Daesh en profitent pour essayer de recruter des gens », poursuit Benoît Murraciole.

« Il y a des endroits où la France est impliquée, et nous n’avons pas le droit à la parole pour pouvoir dénoncer cet état de fait », s’alarme-t-il. « C'est assez effarant : même sous le gouvernement Sarkozy, on a toujours eu un dialogue avec l’Elysée et avec les ministères. C’est la première fois qu’on n’est plus reçus pour discuter de façon contradictoire de cette question ».

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