“Make elections great again”, le podcast du Média qui vous propulse, avec humour et précision, au cœur de l’élection présidentielle américaine...
BLM, Covid et élections : un été US sous tension
La frontière est dépassée. Après deux mois de tensions entre militants antiracistes et forces de l’ordre suite au décès de George Floyd, D.Trump a envoyé les troupes fédérales dans les rues de Portland. Parmi eux, des gardes frontières, réputés pour leur violence envers les migrants dont le recours a suscité un tollé tant médiatique que politique. Et si le bras de fer engagé avec les élus démocrates a mené au retrait partiel des troupes ces derniers jours, ces évènements n’occultent pas pour autant la gestion désastreuse de l'épidémie de covid. La poursuite de la mobilisation Black lives matter, un bilan sanitaire catastrophique et une situation économique hasardeuse plongent donc les USA dans un contexte brûlant, à trois mois de l’élection présidentielle.
Depuis deux mois les mobilisations qui ont fait suite au décès de George Floyd n’ont pas cessé dans les rues des métropoles américaines et notamment à Portland et Chicago, villes ancrées à gauche et aux mouvements ouvriers ou anarchistes historiques. Mais ces endroits ont également cristallisé les tensions entre les manifestants du mouvement Black live matters et les forces de l’ordre, notamment suite à la crispation du débat sur des questions telles que le déboulonnage des statues.
Des troupes envoyées en Irak et en Afghanistan à Portland
En effet depuis plusieurs semaines, Donald Trump maintient sa ligne sur “ la loi et l’ordre” et durcit le ton. Prétextant des atteintes aux biens et la protection du tribunal fédéral de Portland, il a envoyé fin juillet les troupes fédérales contre l’avis des autorités locales. Et si le président prétend vouloir ainsi calmer la situation et reprendre le contrôle de la ville cela a plutôt envenimé la situation.
Les gardes frontières déployés, les CBP, dont certaines troupes d’élites, les Bortak sont intervenues en Irak et en Afghanistan, sont en effet connus pour avoir fait l’objet de plusieurs enquêtes sociologiques et leurs actes de violence envers les migrants. Dans ce contexte de mobilisations antiracistes, ce déploiement a été qualifié de provocation et les manifestations sont devenues de plus en plus fréquentes. Sans changer le fond de leurs revendications, les manifestants dénoncent une dérive autoritaire et une atteinte aux libertés fondamentales dans le pays.
Suite à ces mobilisations, de nombreuses scènes d’intimidations de la part des forces de l’ordre qui opèrent sans matricule et avec des véhicules banalisés, ont été filmées. Et les témoignages d'arrestations arbitraires de manifestants pacifistes relâchés après plusieurs heures après sans signification d’explications se sont également multipliées. Les autorités locales ont alors réagi vivement contre ce qu’ils dénoncent comme une invasion et une rupture avec l’état de droit.
Une crise en cache une autre
Des critiques quasi unanimes dans le camps démocrates mais aussi de la part d’une frange de la population plus conservatrice mais qui, très attachée aux libertés, a pu percevoir l’usage des troupes fédérales comme une limite que Trump n’aurait pas dû dépasser. Sous l’effet du tollé soulevé, le président américain s’est finalement résolu à les retirer partiellement des rues de Portland depuis quelques jours.
Ainsi loin d’être profitable au président sortant, cette stratégie semble au contraire profiter à son adversaire démocrate. Un sondage publié par Fox News fin juillet montre en effet que les américains donnent autant de crédit à Joe Biden qu’à Donald Trump pour résoudre les questions de maintien de l’ordre et de criminalité. Un résultat surprenant pour une thématique qui est traditionnellement plus favorable au camp républicain; les démocrates étant habituellement plutôt favorisés par les questions sociales ou de santé.
Joe Biden qui continue de profiter de son envolée dans les sondages avec 8 points d’avance en opinions favorables, n’est donc pas entré dans ce débat et continue de faire profil bas. Sa position étant plutôt modérée, il n’est pas en accord avec les revendications relatives à la dissolution de la police ou la baisse de son budget, il semble donc préférer une position attentiste semblable à celle adoptée par Hillary Clinton en 2016 et laisser Donald Trump s’enferrer dans les critiques plutôt que de réagir.
En mauvaise posture et soumis aux contraintes de la crise sanitaire, notamment concernant la restrictions du public, Trump s’est quant à lui résolu à annuler sa “grande convention” il y a quelques jours. Le voilà donc privé d’une tribune essentielle en pleine entrée en campagne. Et si le pic de contamination au Covid semble avoir été atteint aux USA et ne devrait pas lui nuire outre mesure malgré un bilan humain et une gestion de crise désastreuse, reste une situation économique pour le moins préoccupante pour l’actuel président.
Les caisses se vident, la bourse s’envole
Il y a quelques mois à peine, Donald Trump comptait en effet sur ses résultats économiques plutôt favorables pour sa réélection. Mais avec seulement 400 dollars d’épargne par américain, et près de 50 million de demandes d'inscriptions au chômage depuis le début de l’épidémie, les conséquences économiques de la Covid pourraient bien achever les espoirs de réélection de l’homme d’affaire. Car si depuis quelques semaines la bourse affiche à nouveau des résultats records, celle-ci est artificiellement gonflée par la FED qui vient de débloquer 2000 milliards supplémentaires de prêt ou de rachat d’obligations pour les entreprises permettant de dégager des profits records et alors que l’économie elle est sur le point de s'effondrer.
La situation d’urgence, notamment des chômeurs et la perte d’assurance maladie consécutive à leur perte d’emploi, a été contrebalancé par les premières mesures d’urgences votées par le congrès au début de la crise. Aux 500 milliards de prêts pour les très grosses entreprises et aux 500 milliards pour les TPE et collectivités, épuisés depuis le mois de juillet, se sont en effet ajoutés une enveloppe dédiées à l’assurance chômage (+600$ / sem. / demandeurs d'emploi) une prolongation de la couverture assurance maladie en dépit des pertes d’emploi et un moratoire sur les expulsions. Mais une partie de ses dispositifs est désormais expirée. Les débats pour de nouvelles mesures est toujours en cours au Congrès mais le délai avant leur entrée en application risque de placer une part importante de la population et l’économie en grande difficulté. Or le taux de chômage se situe, aux dernières mesures, aux alentours de 14 %, ce qui est énorme pour un pays qui connaissait, jusque là, le plein emploi.
Une élection dans le flou
Face à cette situation Trump multiplie les critiques à l’égard des mesures mises en place pour l’organisation du scrutin de novembre prochain. Dans un tweet en date du 30 juillet dernier, il annonce même vouloir reporter l’élection présidentielle, ce qui est hors du champs de ses fonctions. Prétextant les difficultés d’organisation d’un scrutin par voie postale, Trump prépare l’opinion en cas de déroute et tente de jouer la montre dans un contexte qui lui est pour le moment défavorable.
Et dans le camps démocrate avec un candidat affaibli par des scandales sexistes, une posture politique difficilement tenable sur les questions antiracistes et policières, ont attend la désignation d’une colistière solide pour Joe Biden. Ce dernier avait annoncé il y a quelques semaine vouloir désigner une femme, si possible de couleur à ce poste. Mais l’ancienne candidate à la primaire démocrate, Kamala Harris, longtemps donné favorite pourrait alors souffrir de son image de procureure ayant participé à la mise en œuvre d’une politique particulièrement répressive. La fin du suspens devrait intervenir avant la convention démocrate du 17 août prochain.