Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.
Macron enterre les retraités !
Malgré l’opposition de la majorité des citoyens, malgré le refus de nombreuses professions, des éboueurs aux avocats, malgré les grèves les plus importantes depuis 1968, le gouvernement persiste. Il a envoyé au Conseil d’État un projet de loi, réformant les retraites. Cette loi organise l’étatisation et la centralisation du système des retraites. Ce serait un profond recul de la démocratie sociale.
De nombreux articles de la loi se contentent d’autoriser le gouvernement à prendre des ordonnances de sorte que les parlementaires se dessaisissent de tout pouvoir. C’est aussi un profond recul de la démocratie parlementaire.
La loi impose au système de retraite d’être en permanence en équilibre. En cas de crise économique, comme en 2008, il faudrait rapidement baisser le niveau des retraites, ce qui aggraverait encore la situation économique.
La loi reprend, en quasi-totalité, le rapport Delevoye, les négociations avec les syndicats ont été du vent. L’âge pivot est bien sûr instauré. Tant pis pour ceux qui ne pourront se maintenir en emploi jusqu’à 64 ans aujourd’hui, 65 ans en 2037. Un départ à 62 ans leur coûtera 15% de leur retraite puis 20%. La loi ne comporte aucun objectif de taux de remplacement, c’est-à-dire de rapport entre le niveau des retraites et celui des salaires.
D’ici 2045, la valeur du point pourra ne pas suivre l’évolution des salaires, ce qui fera baisser progressivement le niveau relatif des retraites. Le seul objectif contraignant de la loi, c’est l’équilibre financier du système, qui devrait être assuré soit par la baisse des pensions soit par l’augmentation de l’âge pivot. L’État ne prend aucun engagement sur les ressources du système.
D’ici 2050, les retraites devront baisser d’environ 25% par rapport aux salaires. Pire, la baisse des cotisations sur les hauts salaires fera perdre 4 milliards par an. À terme, l’État ne cotisera plus qu’à 17% au lieu de 74% actuellement, ce sera une perte de 36 milliards pour le système des retraites. Comment ce trou de 40 milliards sera-t-il comblé ? Eh bien c’est laissé à des ordonnances. Le nouveau système ne versera pas de prestations avant 2037, soit dans 17 ans, et le système actuel continuera à en en verser jusqu’en 2065. Durant cette très longue période de transition, le nouveau système par point s’ajoutera aux 42 régimes existants. La loi autorise le gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions pour garantir les droits acquis avant 2025, mais cela sans aucune précision. C’est un pur chèque en blanc.
Les personnes nées avant 1975 resteront affiliées aux régimes actuels. Mais, ces régimes seront mis sous une étroite tutelle, perdront toute autonomie pour leurs recettes comme pour les pensions qu’ils versent. Aucune garantie n’est donnée sur l’évolution des pensions. Tout sera fixé par ordonnance. L’article 56 bis a été suspendu par le Premier ministre. Il introduisait un âge pivot de 64 ans en 2027, en prévoyant dès 2022, une hausse de 4 mois par an de l’âge ouvrant le taux plein. Répondant à l’appel de la CFDT, le Premier ministre a confié à une conférence de financement la tâche d’économiser 12 milliards en 2027, ceci sans augmenter le coût du travail. Cela lui permet de prétendre avoir accepté un compromis, tout en maintenant l’essentiel, c’est-à-dire le passage à un système à points, entièrement contrôlé par l’État.
Compte tenu des contraintes imposées, il paraît difficile que les partenaires sociaux s’entendent sur une autre solution que celle du gouvernement, le report de l’âge du taux plein.
Il est mensonger de prétendre que le système des retraites serait en déséquilibre important en 2027. Selon les prévisions du COR, les dépenses de retraites resteront inférieures à 14 % du PIB. Le déficit annoncé est uniquement dû à la baisse des ressources du système, c’est-à-dire aux hypothèses de fortes baisses des effectifs publics, de stagnation du point d’indice de la fonction publique, de non-compensation d’exonérations de cotisations sociales.
En même temps, il faut rappeler que la dette sociale aura été remboursée,
24 milliards seront disponibles à partager entre la retraite et la dépendance.
Le dernier article de la loi ratifie les ordonnances de la loi PACTE.
Il s’agit de “renforcer l’attractivité de l’épargne retraite
pour procurer davantage de fonds propres aux entreprises”.
Il s’agit donc de développer la capitalisation au profit des marchés financiers.
Ceci passe par des avantages fiscaux,
par “l’assouplissement des modalités de sortie en rente ou en capital”,
par la possibilité offerte aux assureurs,
aux gestionnaires d’actifs et aux fonds de retraite professionnelle
d’offrir des produits d’épargne retraite,
donc de concurrencer la retraite publique.
Les bénéficiaires de la dégradation du système public de retraite sont ainsi clairement désignés.