Parce qu’il n’est plus possible que seuls “les milieux autorisés” soient autorisés à penser notre monde, ses réalités et ses combats. Cette émission se veut le carrefour des intellectuel·le·s, penseuses·eurs et actrices·eurs des luttes sociales dissident·e·s et/ou invisibilisé·e·s.
Les prolos votent-ils tous RN ? | Gérard Mauger, Willy Pelletier
Pourquoi tant de vote pour l'extrême droite dans les classes populaires ? Et pourquoi les bastions du RN sont-ils les anciennes régions ouvrières du nord et de l’Est de la France, ainsi que l’ancien Midi rouge du Sud-Est ? C’est à ces questions, lancinantes dans la vie politique française depuis trente ans, que tente de répondre un livre collectif dirigé par les sociologues Gérard Mauger et Willy Pelletier, invités de Julien Théry pour ce nouvel épisode de "On s'autorise à penser".
Aux législatives de 1981, l'extrême droite était groupusculaire, avec moins de 100 000 voix. Au premier tour des présidentielles de 2022, elle en a recueilli plus de 10,5 millions. Le programme du RN, comme le montre l'une des contrbutions du livre dirigé par G. Mauger et W. Pelletier, se caractérise par ses ambiguïtés et ses incohérences. C’est en fait un parti « attrape-tout », où peuvent se reconnaître aussi bien des grands bourgeois catholiques traditionnalistes que des descendants des rapatriés d’Algérie, des professionnels du maintien de l’ordre, les indépendants toujours remontés contre la fiscalité, et certaines fractions des classes populaires.
Concernant ces dernières, les analyses fluctuent entre la lecture « misérabiliste » du vote pour l'extrême droite (le dénuement économique et culturel aboutit à voter contre ses intérêts, à retourner sa colère contre les immigrés) et la lecture en termes « populistes » (les classes populaires sont beauf, machistes, homophobes, racistes, toutes caractéristiques qui les portent vers le RN ou Reconquête). Ces deux points de vue, selon G. Mauger et W. Pelletier, relèvent cependant d'une forme d’ethnocentrisme des classes dirigeantes.