Thomas Porcher, économiste, signataire du manifeste des Économistes atterrés, et auteur de nombreux essais dont « Les Délaissés » et « Traité d’économie hérétique » débunke chaque semaine, sur le plateau du Média, les fausses évidences des gardiens du temple néolibéral. À l'occasion, d'autres économistes et praticiens de l'économie viennent répondre aux questions du Média dans le cadre de ce module.
« C’était évident que ça allait péter » Thomas Porcher sur l’embrasement en Nouvelle-Calédonie
La Kanaky - Nouvelle Calédonie s’embrase après des dizaines d’années de paix. La semaine dernière, l’Assemblée nationale a voté la réforme constitutionnelle qui vise à élargir le corps électoral au scrutin provincial de l’archipel à tous les citoyens résidant sur place depuis dix ans. Cela pourrait rabattre les cartes en faveur des non-indépendantistes, pro-Etat français. Et surtout, les kanak voient dans ce projet décidé à plusieurs milliers de km, une tentative de recolonisation et un danger pour leur peuple. Des révoltes ont éclaté la semaine dernière. L’état a annoncé y envoyer les gendarmes, et même l’armée, et a décrété l’état d’urgence. 5 personnes sont décédées, 2 gendarmes (dont un tir accidentel), et 3 jeunes kanak. Des milices contre les révoltes se sont également constituées pour « aider les forces de l’ordre ».
L’année dernière déjà l’archipel s’inquiétait d’un modèle économique « à bout de souffle », avec de grosses inégalités. 1 personne sur 5 vit sous le seuil de pauvreté. Des difficultés qui touchent plus particulièrement les kanak plutôt que les blancs (venus d’Hexagone ou descendants de colons). Dominique Fochi, secrétaire général de l’Union calédonienne, alerte sur l’écart de richesses à quelques kilomètres : « On a des populations (océaniennes et kanak) qui n’ont pas de quoi amener du pain tous les jours sur la table, et de l’autre côté on a les personnes qui détiennent les richesses du pays », avec des investissements pour des trottoirs à Nouméa, quand « les jeunes sont abandonnés ». Le territoire traverse aussi une grosse crise dans un secteur clé : le nickel. Tous les médias titrent un désastre économique à venir, avec une industrie en danger, pourtant un des piliers de la paix entre État et indépendantistes. Thomas Porcher explique que la population kanak, majoritaire, est 3 fois plus pauvre que le reste de la population. Des inégalités économiques qui s’expliquent par une histoire coloniale, et raciste, que l’économiste rappelle, “la France ne doit pas réécrire l’histoire et rembourser”.
15 milliards d’euros d’investissements étrangers en France, 56 projets. Le sommet Choose France qui se tenait à Versailles lundi 13 mai s’avère vertueux pour Emmanuel Macron qui fait de la réindustrialisation son cap dans ce deuxième mandat présidentiel. 4 milliards d'euros par Microsoft dans le Haut-Rhin, 1,2 milliards par Amazon notamment en Auvergne-Rhône-Alpes. En Seine-Saint-Denis, l'Américain Equinix annonce l’agrandissement de son centre de données avec 630 millions d'euros supplémentaires d’investissements. Tout ça avec la promesse de créations d’emplois, bien évidemment. On parle de 10000 postes. Petite ombre dans la tableau, derrière ce parterre de grandes entreprises et milliards d’euros, l’entreprise Ma France, sous-traitant automobile, dernière usine d’auto à Aulnay-sous-Bois, a été mise en liquidation judiciaire la semaine dernière, laissant 300 familles sur le carreau. C’est Stellantis, grand groupe automobile franco-américain aux bénéfices records, qui était le premier client de l’usine. Inflation, le client refuse de payer plus cher, l’usine coule. Bref, une histoire qui se répète pour l’automobile français. Thomas Porcher raconte ce qu’il se passe derrière ces grands investissements : les entreprises peuvent racheter des entreprises qui existent déjà, ou bénéficier des baisses d’impôts et des aides non conditionnées pour repartir ensuite. “La réindustrialisation, c’est investir dans sa propre industrie”, dépeint l’économiste.
Lisa Lap et Thomas Porcher décryptent tout cela, c’est l’Instant Porcher !