Thomas Porcher, économiste, signataire du manifeste des Économistes atterrés, et auteur de nombreux essais dont « Les Délaissés » et « Traité d’économie hérétique » débunke chaque semaine, sur le plateau du Média, les fausses évidences des gardiens du temple néolibéral. À l'occasion, d'autres économistes et praticiens de l'économie viennent répondre aux questions du Média dans le cadre de ce module.
Pour stopper la colère populaire - Thomas Porcher révèle la grande diversion de Macron
“L’État sera intraitable avec les fraudeurs”, ce sont les mots de Gabriel Attal. Après avoir annoncé son plan contre l’évasion fiscale il y a un mois, le ministre des Comptes publics revient avec son plan contre la “fraude sociale”. Et là, tout le monde pense au méchant qui fraude quelques centaines d’euros d’APL ? Sortons de ce narratif erroné. La plus grosse fraude “sociale”, celle aux cotisations, est estimée entre 6,8 et 8,4 milliards, quand la fraude aux prestations sociales est estimée, elle, à 2,3 milliards d’euros. Un léger pourcentage quand on compare à l’évasion fiscale, estimée autour des 80 milliards d’euros par an.
Un plan qui ne tient pas forcément compte de ces échelles. En voici les principales annonces : augmentation des pénalités en cas de fraude. Pour le volet aides sociales : obligation de résider 9 mois en France par an pour toucher une aide sociale, c’était 6 avant pour le minimum vieillesse par exemple. A partir du 1er juillet, il n’y aura pas de versement d’allocations sociales sur un compte bancaire étranger hors Union Européenne, contrôle des retraités de plus de 85 ans à l’étranger, croisement automatique des fichiers de la CAF et de l’Intérieur pour lutter contre les prestations sociales versées à des étrangers en situation irrégulière en France.
En ce qui concerne la fraude aux prestations de santé, le ministre note que 70% incombent aux professionnels de santé. Sa solution ? Déconventionner lorsqu’une fraude est détectée, et en 2025 les patients dentaires ou ophtalmo recevront un SMS avec la liste des soins facturés pour vérifier. Il est également annoncé la création de 1000 postes supplémentaires avec la formation de 450 cyber enquêteurs pour lutter contre les faux arrêts maladie, en ciblant les “arrêts du lundi”, et la fusion de la carte vitale et de la carte d’identité. Pour la fraude aux cotisations sociales, Gabriel Attal annonce renforcer de 60% les effectifs de l’URSSAF. Et pour les plateformes type Uber, Deliveroo, Gabriel Attal annonce que celles-ci paieront à la source désormais les cotisations des micro-entrepreneurs. L'exécutif ne s’acharne pas sur les plus grosses fraudes mais persistent et signent dans le récit du fraudeur aux allocs qui ponctionnent l’argent de ceux qui travaillent.
Autre sujets dans l’actualité : quand les industriels gagnent des milliards sur le dos de la transition écologique. Beaucoup alertaient, c’est prouvé. L’enquête du Monde en 2 volets révèle comment “Comment les entreprises polluantes ont transformé les quotas gratuits de CO₂ en un marché de plusieurs milliards d’euros” et que le système de “Quotas gratuits de CO₂ pour inciter les industriels à réduire leurs émissions est un fiasco”. Le Monde s’est penché sur les cimentiers et sidérurgistes français et espagnols, qu’on connaît bien ici tant on a vu les délocalisations et plan de suppressions d’emplois depuis des années. L’Union Européenne a lancé un système, en 2005, de quotas de “droits à polluer” donnés gratuitement, pour inciter les plus gros pollueurs à réduire leurs émissions de CO2. Si l’industriel a dépassé son quota annuel, il peut en acheter. Si au contraire il a émis moins que ce qui était prévu, il peut revendre. Des quotas qu’on peut vendre, stocker, faire fructifier, spéculer bref, détourner : et c’est ce qui a été fait.
Ca a conduit à un échec. Le Monde montre que ça n’a pas du tout aidé à réduire les émissions.
Entre 2013 et 2021, le Fonds mondial pour la nature, estime que les plus grosses industries émettrices ont empoché 98,5 milliards d’euros et n’ont consacré qu’un quart de cette somme (25 milliards d’euros) à l’action climatique par exemple.
Arcelor Mittal, a toujours reçu plus qu’il n’émettait de CO2. En cas de crise comme à Florange, cela permet de remonter les comptes, mais en aucun cas de faire des investissements en énergies propres ou réduire les émissions, confie un syndicaliste anonyme au Monde.