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Un p'tit coup de bourbon

Un p'tit coup de bourbon

Chaque semaine, Serge Faubert raconte l’actualité française à travers le prisme des délibérations au Sénat et à l’Assemblée nationale. Ce qui perce de l’esprit des lois et de l’équilibre des forces politiques, au-delà du jeu des petites phrases.

Covid-19 : entre nos vies et le profit, Macron a choisi

Le président de la République a annoncé la date du début du déconfinement. Alors que les établissements scolaires avaient été fermés avant même le confinement, ceux-ci seront rouverts en premier. Ce qui risque de favoriser un rebond de l’épidémie.

Lundi 13 avril, le président de la République a donc annoncé qu’il allait laisser les élèves retrouver le chemin des classes à partir du 11 mai.

Nous rouvrirons progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées, a expliqué Emmanuel Macron. C'est pour moi une priorité car la situation actuelle creuse des inégalités. Trop d'enfants, notamment dans les quartiers populaires, dans nos campagnes, sont privés d'école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents.

Comment ne pas être décontenancé par cette décision ? Le 12 mars le chef de l’État avait adopté une posture totalement inverse :

Jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés. Pour une raison simple, nos enfants et nos plus jeunes, selon les scientifiques toujours, sont celles et ceux qui propagent semble-t-il le plus rapidement le virus même si pour les enfants ils n'ont parfois pas de symptômes. Et heureusement, ils ne semblent pas aujourd'hui souffrir de formes aiguës de la maladie. C'est à la fois pour les protéger et pour réduire la dissémination du virus à travers notre territoire.

Ce qui valait en mars ne vaudrait plus en avril ?

Pour comprendre ce qui a pu conduire Emmanuel Macron à ce revirement, il faut partir de la situation actuelle.

Contre le Covid-19, il n’y a ni traitement, ni vaccins. Dans l’immédiat, l’immunité de groupe reste la seule issue. Tant que 60% de la population française n’aura pas été en contact avec le virus, la pandémie continuera de s’étendre.
Le confinement a permis de ralentir le rythme de la contagion. Évitant ainsi que le système hospitalier ne finisse par être submergé. Mais le corollaire de cette stratégie, c’est que l’immunité collective stagne.

Un récent rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Inserm, estime que cette immunité se situe entre 1 et 6%.

Il faut donc déconfiner.
Au regard de ce que l’on sait de la maladie, les enfants semblent ne pas développer de forme grave de celle-ci. Ils ne seraient que porteurs asymptomatiques.
À première vue, il peut donc sembler cohérent de leur faire reprendre le chemin de l’école. Sous réserve, bien sûr, qu’il y ait une validation scientifique.
Ce n’est pas le cas. Les autorités scientifiques préconisent exactement le contraire de ce que prévoient le président de la République et le gouvernement.

L‘étude de l’Inserm, citée plus avant, examine les scénarios possibles de déconfinement. Les auteurs de ce rapport sont formels. Il faut garder les écoles fermées si l’on veut éviter un rebond de la pandémie.
Et l’on comprend bien pourquoi. Les enfants, surtout les plus petits, auront du mal à respecter les gestes barrière.
Il y a de fortes chances qu’ils ramènent le virus au sein du foyer familial et contaminent les membres les plus vulnérables.

C’est ce que reconnaissait lui-même le président de la République le 12 mars.
Mais le président semble avoir la mémoire courte. Sa vraie préoccupation, ce ne sont pas les enfants, mais les parents :

Le 11 mai, il s'agira aussi de permettre au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services. Le gouvernement préparera sans délai ces réouvertures avec les partenaires sociaux pour que des règles soient établies afin de protéger les salariés au travail.

Si les enfants restent à la maison, les parents ne pourront pas reprendre le chemin du bureau ou de l’atelier.
Donc on renvoie les premiers à l’école et on s’occupera des conditions d’accueil après.  De toute façon, il n’y a toujours pas de masques ni de tests en quantité suffisante.

Si les enfants restent à la maison, les parents ne pourront pas reprendre le chemin du bureau ou de l’atelier. Donc on renvoie les premiers à l’école et on s’occupera des conditions d’accueil après. De toute façon, il n’y a toujours pas de masques ni de tests en quantité suffisante. Alors…

Cette inversion des priorités fait bondir le député France insoumise Alexis Corbière.
« Pourquoi faire courir des risques aux enseignants, aux personnels des écoles y compris aux enfants, en étant incapables de dire dans quelles conditions sanitaires.  cet accueil scolaire pourra avoir lieu ? Sans tests ni masques, qui va remettre ses enfants à l'école si ce n'est ceux qui sont contraints à des raisons professionnelles ? »

Le ministre de l’éducation nationale lui a indirectement répondu au Sénat.
« Si nous ne finissons pas le confinement suffisamment tôt,  il y aura des désastres sociaux pour les élèves les plus éloignés de l'école. Bien entendu, nous allons veiller à la sécurité sanitaire de tous. »

La sénatrice communiste, Céline Brulin, l’a renvoyé dans les cordes.
« Oui le confinement aggrave les inégalités sociales, je fais partie de ceux qui dès le début ont alerté là-dessus. Mais si on veut répondre à cette question-là, alors comme je vous l'ai proposé il faut empêcher, annuler les fermetures de classes en éducation prioritaire à la prochaine rentrée. Il faut doter nos collèges et nos lycées de postes supplémentaires  alors que certains sont supprimés. Voilà comment on résoudra les inégalités sociales dans l’école. Je crains que les Français qui pensent aujourd'hui qu'on veut instaurer un système de garde de leurs enfants pour que les salariés, les parents salariés, travailleurs, retournent plus vite à la production, soient renforcés par la manière dont vous concevez ce déconfinement. »

Jusqu’ici, Emmanuel Macron s’abritait derrière le conseil scientifique pour habiller ses décisions. Il n’a même plus ces pudeurs. De la même façon qu’il a imposé le premier tour des municipales en invoquant un consensus imaginaire, il décrète maintenant la sortie du confinement au mépris de toute considération épidémiologique. C’est une attitude irresponsable.

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