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La chronique éco

Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

L'arnaque de la théorie du ruissellement

Dans ce nouvel épisode de la Chronique Éco, l'économiste atterré Henri Sterdyniak dynamite les fondations d'une célèbre arnaque économique : la théorie du ruissellement.

Les idéologues des classes dirigeantes, les journalistes, les économistes et les hommes politiques prétendent qu’ils n’y croient pas mais évoquent la théorie du ruissellement à chaque fois qu’il s’agit de justifier les mesures en faveur des plus riches. Selon cette théorie, il faut augmenter les rémunérations des plus riches et leur richesse ruissellera automatiquement sur tous, en particulier sur les plus pauvres. Alors qu’améliorer directement la situation des classes populaires, par la hausse des salaires par exemple, serait finalement nuisible aux plus pauvres eux-mêmes. C’est donc pour aider les plus pauvres qu’il faut augmenter les revenus des riches. Mais comment la richesse ruissellerait-elle ? Il existe plusieurs artifices. La première, c’est que les riches créent des emplois. Un banquier qui gagne 1 ou 2 millions d’euros par an achètera des produits coûteux et emploiera des domestiques. Tout cela fait de l’activité et de l’emploi. Mais sa rémunération n’est rien d’autre que du vol, du détournement du profit des entreprises, lui-même été extorqué aux travailleurs. Si cet argent était resté aux mains des salariés, ceux-ci auraient pu l’utiliser pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Cela aurait créé plus d’emplois, des emplois plus utiles. Il vaut mieux construire des logements que des hôtels de luxe, développer le transport collectif que permettre à certains d’acheter une Porsche, avoir plus de soignant-e-s dans les maisons de retraite que plus de domestiques à Neuilly. Le deuxième argument a été évoqué par Emmanuel Macron. Celui-ci a supprimé l’ISF et créé un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital. Ainsi, les revenus obtenus en dormant seront moins imposés que les revenus issus du travail. C’est injuste, direz-vous. Mais non, nous disent Macron et la théorie du ruissellement : les riches vont investir l’argent des impôts qu’ils n’auront pas à payer, ce qui créera des emplois. En réalité, cet argent servira en partie à augmenter les gaspillages des plus riches ; il sera en partie placé en Bourse, ce qui fera monter les cours des actions mais ne créera pas d’emploi. Seule une infime part des baisses d’impôt sera effectivement utilisée pour créer des emplois en France. Faut-il perdre 5 milliards par an sans la moindre garantie sur les emplois créés ? Oui, disent les libéraux. Car les riches savent mieux investir que l’État. Mais les riches investiront en fonction de la rentabilité financière, tandis que l’État aurait pu choisir d’investir pour les besoins sociaux ou la transition écologique. L’effet sur l’emploi aurait été plus assuré.


Dans tous les pays, la hausse de la part des profits du capital et de la rémunération des dirigeants se fait au détriment des travailleurs.

Pour certains, il faut fortement rémunérer les meilleurs, les dirigeants, pour les inciter à travailler, car c’est leur effort et leur talent qui permettent d’innover et de développer la production. Notons d’abord que cet argument engagerait à taxer lourdement les héritages, qui ne sont pas les fruits du travail des héritiers. Certes, il faut récompenser les efforts, mais dans des proportions raisonnables. Les scientifiques, les ingénieurs et même la plupart des cadres ne travaillent pas pour obtenir des rémunérations extravagantes. Celles-ci récompensent généralement des opérations de rapines : pensez aux traders, aux responsables de la crise financière de 2008, aux conseillers fiscaux, aux milliardaires russes, chinois ou africains. Comment expliquer que jadis les entreprises créaient de l’emploi avec des écarts de salaires raisonnables (disons de 1 à 7) et que maintenant, les dirigeants d’entreprises se fixent des rémunérations 200 fois plus fortes que celles de leurs salariés pour détruire des emplois. Drôle de ruissellement. C’est la mondialisation, nous dit-on. Il faut surpayer les dirigeants d’entreprises et les financiers pour ne pas qu’ils partent à l’étranger. Il faut assurer une forte rentabilité aux capitaux pour qu’ils ne soient pas investis ailleurs. Par contre, les travailleurs doivent se faire concurrence en acceptant des baisses de salaire. Le résultat est simple : dans tous les pays, la hausse de la part des profits du capital et de la rémunération des dirigeants se fait au détriment des travailleurs. La théorie du ruissellement préconise le creusement des inégalités de revenu. Nous observons ses conséquences depuis le tournant libéral des années 80 : les plus riches se lancent dans des consommations ostentatoires, coûteuses sur le plan écologique ; la cohésion sociale est mise en cause ; les inégalités sociales sont de plus en plus héréditaires. Les capitaux accumulés par les plus riches ne sont pas investis dans la production, nourrissent l’instabilité financière, obligent à développer l’endettement des États ou des ménages. A la théorie du ruissellement, qui justifie les inégalités exorbitantes de rémunération et de consommation, opposons une société de coopération, sobre et égalitaire.

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Henri Sterdyniak, signataire du manifeste des économistes atterrés, dissèque les choix économiques des gouvernants, débusque la propagande néolibérale et dévoile la logique prédatrice des multinationales.

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