Vous pouvez retrouver tous les contenus de Téo Cazenaves en consultant sa page.
Le Tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné jeudi dernier la fermeture de trois enseignes Casino et d’un Leader Price qui ouvraient le dimanche après-midi. Une décision qui pourrait constituer un important précédent.
Dans le long feuilleton du travail dominical, la juge des référés du Tribunal Judiciaire de Toulouse vient de prendre une décision inédite. Par deux ordonnances de référé datées du 30 juillet 2020, révélées par Le Média (voir ici et ici), la magistrate ordonne la fermeture de trois supermarchés toulousains du groupe Casino le dimanche après-midi, sous peine d’une astreinte de 20 000 euros par ouverture constatée. Une enseigne Leader Price toulousaine - un franchisé du groupe Casino, qui a annoncé récemment la cession de Leader Price à Aldi - est également concernée.
La juge interdit également à trois sociétés de sécurité – Lynx Sécurité, Mondial Protection Grand Sud-Ouest et Sud-Ouest Sécurité – d’employer des salariés le dimanche après-midi dans les magasins en question, sous peine d’une astreinte de 20 000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés.
Le référé est une procédure d’urgence. Si l’ordonnance de référé ne tranche pas sur le fond, ses mesures s’appliquent immédiatement, tant qu’un procès portant sur le fond n’a pas eu lieu.
"Une violation des règles relatives au repos dominical"
Le 6 octobre 2019, un dimanche après-midi, les inspecteurs du Travail de Toulouse procèdent à des contrôles dans les trois enseignes Casino du quartier des Minimes, du Faubourg Bonnefoy et du Pont des Demoiselles. Ils constatent « la présence de salariés d’une société ETIC chargée d’aider les clients du supermarché lors du paiement aux caisses automatiques ainsi que des salariés d’une société de sécurité, la société LYNX », et adressent alors aux entreprises concernées des courriers « rappelant la réglementation en vigueur ».
Les inspecteurs reviennent en novembre et décembre 2019, puis en janvier et février 2020. Les animateurs de caisse de la société ETIC ont disparu. Et pour cause : le 17 octobre 2019, le prestataire a été condamné par le Tribunal de Grande Instance d’Angers pour avoir employé quatre travailleurs dans un Géant Casino angevin. Mais les salariés de la société de sécurité sont toujours présents, et réalisent « de très nombreuses interventions d’aide et d’assistance aux clients ». L’Inspection du Travail assigne alors la société Distribution France Casino et la société de sécurité devant le juge des référés.
Dans sa décision, la juge rappelle que « la règle est le repos dominical qui débute à 13h dans les commerces de détail alimentaire ». S’il existe des dérogations, « en particulier pour les activités de surveillance et de gardiennage », il n’est pas possible pour les agents de sécurité d’accomplir d’autres tâches - comme l’assistance aux clients, ou encore l’ouverture et la fermeture des magasins. Mais en l’absence des salariés du groupe Casino, l’ouverture et la fermeture ne sont possibles “que par la présence humaine des salariés de la société” de surveillance, poursuit la magistrate.
"Ce jugement est très important"
La juge toulousaine va donc plus loin que le tribunal d’Angers : les tâches des personnels de sécurité “débordent en conséquence du cadre strict des fonctions de surveillance et de gardiennage”, même s’ils n’assistent pas les clients. Le fait qu’ils assurent la fermeture et l’ouverture du magasin et permettent “par leur seule présence le fonctionnement du commerce de détail alimentaire” conduit, pour la juge, “à une violation des règles relatives au repos dominical”.
En conséquence, elle interdit à la société de sécurité d’employer des salariés lors des heures d’ouverture des magasins le dimanche après-midi et ordonne la fermeture des supermarchés en question. Une ordonnance de référé similaire en date du 30 juillet ordonne également la fermeture d’un magasin Leader Price à Toulouse. Les infractions à la législation sur le travail dominical ont été constatées fin 2019 et début 2020. Depuis, Casino a annoncé la cession de Leader Price au groupe Aldi pour 735 millions d’euros.
“[La décision] nous satisfait. Ce jugement est très important. On a d’autres constats d’huissiers sur d’autres magasins et on avait déjà pris la décision que partout où ce serait possible, on mettrait Casino au Tribunal, pour les mêmes motifs”, explique Sylvie Vachoux, secrétaire fédérale de la CGT Commerce, elle-même employée du groupe. “Nous, les personnels de Casino, on ne peut pas travailler le dimanche après-midi après 13h, selon l’accord de branche. Ils [la direction du groupe, NDLR] ne peuvent pas y déroger, donc ils vont chercher des salariés qui ne sont pas soumis à cet accord de branche, et ce personnel va forcément au-delà de ses attributions”, poursuit la syndicaliste.
Contacté, le groupe Casino annonce avoir « fait appel immédiatement de ce jugement ». Mais les magasins en question seront bel et bien fermés le dimanche après-midi : « La décision de ce jugement étant exécutoire, nous l’appliquerons ». Le Groupe Casino, qui avait cessé de faire appel aux animatrices et animateurs de caisse après la décision du Tribunal d’Angers, étendra-t-il la fermeture le dimanche après-midi à tous ses supermarchés suite à la décision du tribunal toulousain ? Sur ce point, le groupe n’a pas répondu à nos interrogations.
Photo de Une : Un magasin Casino, à Lyon, le 15 mars 2019. Crédits : Romain Lafabrègue - AFP.