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EXCLUSIF - Marseille : la nouvelle affaire des procurations

Par Xavier Monnier et Olivier-Jourdan Roulot

Retrouvez les contenus de ces auteurs : page de Xavier Monnier et page de Olivier-Jourdan Roulot.

Selon nos informations, la PJ de Marseille a perquisitionné samedi le commissariat du 15ème arrondissement. En cause : des procurations transmises par fax - sans rencontre physique des mandants, pourtant obligatoire - à des policiers peu regardants, par un élu de premier plan.

Ouverte après les révélations de France 2 sur un possible système de fausses procurations organisé au profit de la droite (dans les 6ème, 8ème, 11ème et 12ème arrondissements), les investigations de la brigade financière de Marseille se poursuivent. L’enquête pour fraude électorale s’étend désormais au Nord de la ville, précisément dans les 15ème et 16ème arrondissements, remportés avec moins de 400 voix d’avance par la liste de la sénatrice Samia Ghali. « On ne fait pas du tourisme judiciaire », sourit un proche du dossier, « on prépare un 4ème tour ».

Au moment où le psychodrame électoral s’achevait samedi à deux pas du Vieux Port, Le Média le révèle en exclusivité, la police judiciaire marseillaise s’invitait en effet rue Odette Jasse, siège du commissariat du 15ème arrondissement. Que venaient chercher les hommes de la PJ dans ce bâtiment de trois niveaux, à la façade extérieure d'un blanc virginal ? Généralement, la lutte contre les trafics de drogue occupe ici le quotidien des policiers de la division nord, auxquels les fonctionnaires de ce commissariat sont rattachés.

Cette fois, les visiteurs de cette fin de semaine avaient fait le déplacement pour une toute autre raison. Ils intervenaient dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte le 12 juin par le parquet de Marseille sur les soupçons de fraude aux procurations. Jusqu’ici cantonnées à des secteurs de la ville tenus par la droite, cette épée de Damoclès et l’atmosphère pesante qui en a découlé auront pesé dans la défaite de la droite - achevant de pourrir une campagne catastrophique.

Samia Ghali, faiseuse de reine

Il est quinze heures passé de quelques minutes, ce samedi 4 juillet. La clameur monte dans l’hémicycle du conseil municipal de Marseille, gagne ses coursives et déborde vers l’esplanade Bargemon, où ses supporters laissent exploser leur joie sous un soleil de plomb. Michèle Rubirola vient d’être officiellement élue maire de Marseille à la majorité absolue. C’est une page d’histoire qui se tourne : cette écologiste de gauche met fin aux 25 ans de règne sans partage de la droite, incarné par Jean-Claude Gaudin, sur la deuxième ville de France. 

Porte-étendard du Printemps Marseillais, une alliance des partis de gauche et du milieu associatif de la ville, connue des seuls spécialistes de la politique locale, cette médecin de 63 ans a survécu à de longs mois de campagne (trois et demi depuis le 1er tour du 15 mars !), au confinement sanitaire et à une semaine d’intenses tractations. Ses 42 conseillers ne suffisant pas à atteindre la majorité des 51 voix (sur un total de 101 élus), son mouvement a dû pactiser avec Samia Ghali.

Vainqueur du scrutin dans les 15ème et 16ème arrondissements de la ville, la sénatrice, longtemps socialiste et désormais sans étiquette, a accepté de lui apporter son soutien, et ses 9 sièges, en échange de 5 postes d’adjoints. Dont celui de deuxième adjointe, pour elle. Un joli ratio qui prouve combien celle qui a laissé planer le doute jusqu’au bout sur son choix sait manœuvrer pour faire valoir ses intérêts.

Samedi matin, c’est pourtant un tout autre scénario qui se préparait. Des proches nous l’ont affirmé, Madame Ghali était décidée à franchir le rubicond et faire élire Guy Tessier. Le choix de Martine Vassal de présenter à sa place le député LR pour éviter la perte de la mairie tenait à l’état civil de ce vieux soldat, rhabillé en champion de la droite : en cas d’égalité, il l’emportait au bénéfice de l’âge (75 ans).

Finalement, après des tractations de plusieurs heures entre deux tours de votes, Samia Ghali est ressortie de l’hémicycle dans lequel elle était arrivée par une porte dérobée en sauveuse de la gauche. Sous les vivas du public. Au terme de cette éprouvante séance, les deux femmes se sont longuement embrassées, sous l’œil des caméras. Une belle image qui signe la fin du 3ème tour mais certainement pas l’épilogue de ces élections. Car un 4ème tour se dessine déjà, sur le plan judiciaire.

Un élu de premier plan impliqué

D’après nos informations, les procurations douteuses dont il est question dans ce nouveau volet situé cette fois au nord étaient transmises par fax. Un élu de premier plan se chargeait de fournir les photocopies des cartes d’identité et les dossiers de demande à des policiers peu regardant sur la nature des attestations. Ils négligeaient, comme la loi l’oblige, de rencontrer les mandants.

Une fois réceptionnées, les procurations étaient validées et signées par un commandant, sans plus de formalités. D’autres fonctionnaires sont dans le viseur des enquêteurs : deux brigadiers chef et un major sont également particulièrement suspectés. Après cette descente, ils sont tous convoqués ce début de semaine pour être auditionnés.

Éthique et probité

Ce nouvel épisode de l’affaire des fausses procurations de Marseille est à l’évidence une véritable bombe en puissance. Il indique que ces pratiques, à même de fausser la sincérité du scrutin et qui existent de longue date dans cette ville, sont toujours d’actualité, et que la mèche allumée avant le second tour pourrait se propager à d’autres listes. Il prouve aussi que la justice est décidée à ne pas fermer les yeux, quelles que soient la qualité et l’identité des acteurs pris la main dans le sac.

À ce stade, si ces faits révélés par Le Média ne mettent pas en péril l’élection de la nouvelle maire actée ce week-end, l’enquête judiciaire pourrait en revanche rebattre les cartes et modifier les équilibres au sein de la nouvelle majorité municipale. Qui, on le rappellera, a été élue et portée en particulier sur la promesse de changer les mœurs politiques et d’être intransigeante sur la question de la probité et de l’éthique.

Crédits photo de Une : Clément Mahoudeau - AFP.

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