Si, en apparence, de nombreux dirigeants politiques et plusieurs capitaines d’industrie donnent l’impression d’avoir intégré “la règle verte”, un lent écocide se poursuit. Contre le greenwashing, Rémi-Kenzo Pagès enquête et décrypte.
"Quoi qu'il en coûte, les riches devront payer"
Le monde d'après, c'est le monde d'aujourd'hui : un monde en crise. Dans ce monde d'après, il faut rembourser la dette covid estimée à 234,8 milliards d'euros sur 2020. Dans le même temps les milliardaires français totalisent plus de 510 milliards de dollars. Et si on faisait payer la crise aux riches ? On en parle avec Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac.
"Et si les ultra-riches et les multinationales payaient la crise Covid ?" C'est la question que pose l'ONG ATTAC qui lance une nouvelle pétition. De mars à décembre 2020, la fortune des milliardaires français augmente de 175 milliards d'euros, soit de 40%. La France compte quatre milliardaires supplémentaires. Ces chiffres illustrent le renforcement des inégalités sociales alors que fin 2020, 8 millions de personnes bénéficient de l'aide alimentaire.
Pour renflouer l'économie face à la crise de la Covid 19, le gouvernement présente différents plans de relance dès l'été 2020 (100 milliards d'euros, dont 40 milliards issus du plan d'aide européen), sans contreparties sociales et environnementales véritablement fortes. Pourtant, le 14 Juin 2020, lors d'une allocution télévisée, le Président de la République, Emmanuel Macron déclarait : "notre priorité est d'abord de reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire". Dans un autre discours, également en Juin 2020, il expliquait que "le temps est venu de faire, d'agir, de placer l'écologie au cœur du modèle économique". Dans le même temps, le plan de relance favorisait des secteurs polluants comme l'automobile et l'aérien (Air France a bénéficié d'une aide de 7 milliards)
Cette relance était-elle une relance capitaliste effrénée au détriment de l'environnement et des classes populaires ? Le quoi qu'il en coûte aurait profité aux plus riches.
Pourtant, lors du premier confinement, alors que les personnels soignants étaient applaudis tous les soirs à 20 heures, les revendications pour le monde d'après fleurissent. Un monde plus vert, plus écologique, plus solidaire. La question de la planification pour une économie et des productions plus sobres était débattue. La question de la relocalisation revenait sur le devant de la scène. Il apparaissait logique de produire localement, et qu'il était polluant de dépendre de productions à l'autre bout de la planète. On se rendait compte qu'il était plus vert, plus écologique d'industrialiser (uniquement dans des secteurs essentiels) nos territoires pour produire ce qui est nécessaire et vital, plutôt que d'importer des masques de Chine. On discutait de privilégier certaines productions plutôt que d'autres, sur la base des besoins réels, en écartant ce qui était considéré comme inutile et superflu. En questionnant nos besoins et notre consommation, en interrogeant quelles sont les activités essentielles et en réaffirmant le désir de vivre et décider au pays.
Dans ce contexte, l'ONG ATTAC avait publié "Ce qui dépend de nous, manifeste pour une relocalisation écologique et solidaire" pour porter cette idée que "la relocalisation peut aussi être écologique et solidaire". Un an plus tard, ces revendications ont à nouveau disparu, et ne sont plus discutées noyées dans le monde d'après. Comme si la société, frappée d'amnésie collective, avait oublié toutes ses bonnes résolutions du premier confinement. Comme si la stratégie du choc avait fait effet, permettant aux bourgeois de s'enrichir, à faire passer des mesures anti-sociales et polluantes et des politiques de relance écocidaire. Comme si tous les enjeux écologiques et économiques, symboles d'un capitalisme hyper-mondialisé, révélés par la crise sanitaire n'étaient plus d'actualité.
Avons-nous réussi à relocaliser nos productions essentielles ? Tous ces discours n'avaient-ils pour but que de verdir certains discours ou avons-nous raté le coche; une opportunité à saisir pour de nouvelles politiques ? Ou finalement, les promesses pour les "Plus jamais ça" n'étaient que du vent ?
Pour comprendre l'évolution de notre société depuis le monde d'après, et faire le bilan politique de ce que la crise de la Covid 19 engendre, Le Média reçoit Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac.