Si, en apparence, de nombreux dirigeants politiques et plusieurs capitaines d’industrie donnent l’impression d’avoir intégré “la règle verte”, un lent écocide se poursuit. Contre le greenwashing, Rémi-Kenzo Pagès enquête et décrypte.
Confinement : un peu de répit pour la nature ?
La faune va-t-elle vivre un baby boom ? Que se passera-t-il pour les animaux sauvages à la fin du confinement? Autant de questions que se posent les scientifiques. La période de confinement due à l'épidémie de Covid-19 entraîne un phénomène curieux, largement relayé sur les réseaux sociaux. Des animaux sauvages arpentent les villes, profitant de l'absence des humains pour visiter ces territoires jusque-là inconnus.
Quand les humains sont confinés, les animaux ne le sont plus. Sur Internet, des images sont partagées par milliers, montrant des dauphins dans le port de Cagliari, des poissons dans les canaux de Venise, des sangliers qui se baladent dans les rues de Barcelone ou des canards explorant Paris. Dans les rues de la capitale, Le Média a pu constater des comportements inhabituels de la faune - notamment les oiseaux, pour lesquels les péniches et les abords de la Seine deviennent des lieux pour nicher. Profitant des rues désertes et de la baisse des activités humaines, certaines espèces vivent une période faste, qui risque d'être de trop courte durée pour connaître des répercussions durables.
Des effets positifs apparaîtront certainement à court terme. Des experts s'attendent à une baisse de la mortalité animale, conséquence de la diminution du trafic routier et d'un arrêt prématuré de la période de chasse. Sans compter que nos déplacements incessants provoquent des piétinements dommageables pour la flore, pour qui la période ressemble à une trêve inespérée. Un phénomène de baby-boom animalier sera peut-être aussi observé, alors que le printemps commence et que nous sommes en pleine saison de reproduction. Enfin libérés de la pression humaine, les animaux peuvent roucouler en toute tranquillité.
"Parce que c'est une première, on ne sait pas exactement ce que ça va engendrer", nous explique Anne Dozières, directrice du programme Vigie Nature au Muséum national d'Histoire Naturelle. La scientifique appelle les confinés à observer de leurs fenêtres ce moment insolite et à partager leurs observations. Autant de données récoltées qui permettront aux écologues d'analyser cette phase cruciale pour comprendre les écosystèmes. Il y aura sans doute beaucoup de leçons à en tirer.
Faut-il s'en réjouir? Ce moment d'accalmie pour la faune sera-t-il suffisant pour enrayer la crise écologique? Quelles questions ces observations imposent-elles ?
Contactée par Le Média, Hélène Soubelet, directrice de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), y voit "une leçon d'humilité".
Cette période inédite n'a jamais été observée. Les comportements des animaux, rapides à s'adapter puisque nous en sommes seulement à la troisième semaine de confinement, nous rappellent que d'autres espèces n'attendent qu'un peu de répit des activités humaines pour sortir de leurs cachettes.
Ces images nous renvoient à notre vulnérabilité collective. Mais attention à ne pas romantiser le phénomène et oublier les dommages écologiques irréversibles dont la crise épidémique est une conséquence. On s'émerveille devant des canards dans Paris alors qu'il s'agit "d'une partie infime de la biodiversité", insiste la scientifique de la FRB.
Qu'est-ce que cela dit de notre société si prompte à oublier ? Les humains seront-ils capables de profiter du moment pour se poser les bonnes questions, et s'interroger sur leurs rapports aux autres espèces et à la biodiversité ?
Pour se rebeller, peut-être ? La chercheuse insiste : "On ne peut plus dire qu'on ne sait pas".