« L’histoire avec sa grande hache » : l’écrivain Georges Pérec, avec ce jeu de mots, a désigné ce qui a tranché dans son histoire personnelle en le privant de ses parents dès l’enfance. Avec cette émission, Le Média vous propose de nous tourner vers le passé, récent ou plus éloigné, en compagnie de celles et ceux qui l’explorent et qui le font connaître.
« Le plus grand scandale de la Ve République » : La France de Mitterrand et le génocide des Tutsi | Vincent Duclert
L'historien Vincent Duclert, qui a présidé la Commission de recherches sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, présente les conclusions de son dernier livre, accablantes pour la Ve République mitterrandienne.
Les événements au Rwanda entre 1990 et 1994 « constituent l’une des pages les plus sombres et encore méconnues de l’histoire française de l’après-Seconde Guerre Mondiale, et probablement le plus grand scandale d’État sous la Ve République ». C’est le diagnostic de l’historien Vincent Duclert, l’invité de Julien Théry pour cet épisode de La Grande H., sur l’attitude du pouvoir français non seulement pendant la phase paroxystique du génocide des Tutsi, entre avril et juillet 1994, mais aussi pendant les années précédentes, où le génocide a été préparé.
Vincent Duclert, qui vient de publier La France face au génocide des Tutsi, aux éditions Tallandier, n'est ni un polémiste, ni un militant, mais un historien professionnel, chercheur à l’EHESS, par ailleurs Inspecteur général de l’Éducation nationale. C'est un historien de l’État, qui a commencé par étudier l’affaire Dreyfus puis des génocides, en particulier le génocide arménien. En 2019, il s'est vu confier par le gouvernement la direction d’une Commission de recherches sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, qui a remis son rapport au président Macron le 26 mars 2021 ‒ le « Rapport Duclert ».
La constitution de cette commission avait été l'objet d'un grand scepticisme. Il bien faut dire que les trente années de déni au sommet de l’État avaient de quoi justifier une telle méfiance. Après la publication du Rapport Duclert cependant, la communauté des historiens en a reconnu l’intérêt majeur et l’importance. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la commission n'est pas tombé dans la complaisance que l’on pouvait craindre du fait de son origine gouvernementale. Dans son livre récent, qui prolonge les recherches menées pour le rapport de la commission, V. Duclert résume ainsi ses conclusion : « La politique française au Rwanda s’apparente à un effondrement politique et moral, qui résulte d’une politique conduite par un groupe soudé de responsables, décidée contre tous les savoirs accumulés sur le Rwanda, opérée directement ou imposée aux services de l’État, refusant toutes objections ou oppositions, s’entourant d’un discours fabriqué sur les intentions et les faits se prolongeant par la dissimulation et l’intimidation pendant des décennies ». Il d'agit là du comportement de François Mitterrand et de son entourage de la « cellule Afrique », notamment du secrétaire général de l’Elysée Hubert Védrine, ou encore du premier ministre de l’époque Edouard Balladur. V. Duclert parle aussi de « désastre national » et vous ajoutez : « Cette politique révèle une faille très inquiétante dans le fonctionnement de la démocratie française ». ●●
Montage Bérénice Sevestre. Une émission de Julien Théry.