Parce qu’il n’est plus possible que seuls “les milieux autorisés” soient autorisés à penser notre monde, ses réalités et ses combats. Cette émission se veut le carrefour des intellectuel·le·s, penseuses·eurs et actrices·eurs des luttes sociales dissident·e·s et/ou invisibilisé·e·s.
Le scandale Parcoursup : une machine inégalitaire | Johan Faerber
Parlez-vous le Parcoursup ? C’est le titre d’un petit livre d’intervention qui paraît ces jours-ci aux éditions du Seuil, dans lequel Johan Faerber, invité de Julien Théry pour cet épisode d'OSAP ("On s'autorise à penser"), montre à quel point cette plate-forme numérique, passage obligé des jeunes bacheliers pour accéder à l’enseignement supérieur depuis 2018, est un véritable projet de société. Et un projet de société foncièrement antidémocratique.
Editeur et critique littéraire, mais aussi enseignant au lycée Mozart du Blanc Mesnil, où il est professeur de lettres, c'est fort de son expérience avec les élèves que Johan Faerber décrit Parcoursup comme « un terrifiant accélérateur d’inégalités sociales ». Cet état de fait, souligne t-il, n’est en rien le fruit d’un dysfonctionnement.
Au contraire, depuis sa mise en place par les ministres Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, Parcoursup remplit parfaitement la fonction qui lui est assignée dans le grand projet d'Emmanuel Macron : la plate-forme numérique est une pièce maîtresse, à l'articulation de l'enseignement secondaire et du supérieur, pour la conversion forcée de la société française au néolibéralisme. Elle est inséparable de la destruction du baccalauréat (menée sous couvert de "réforme" par Pierre Mathiot, sous les ordres de Jean-Michel Blanquer), d'un côté, et, de l'autre, de l'effondrement de l'Université par asphyxie financière et disparition des postes, organisé en toute continuité par les gouvernements Sarkozy, Hollande et Macron.
Exemple parmi beaucoup d'autres des usages du numérique par les élites dirigeantes à des fins dé-civilisatrices de brutalité managériale et de destruction des services publics, Parcoursup permet d’en finir avec l’enseignement supérieur de masse (un vieux désir de la droite française, accompli depuis 15 ans par la conjonction des efforts de la droite, de la "gauche de gouvernement" et de l'extrême-centre). L'objectif véritable de la plate-forme est de produire de l’échec (140 000 étudiants laissés sur le carreau par le système en juin dernier !). Et ainsi de renforcer, d’assurer l’exclusion d’une partie de la population de l’accès à certaines carrières. Parcoursup est bien, nous dit Johan Faerber, un « outil ségrégatif de la violence bourgeoise ».