Si, en apparence, de nombreux dirigeants politiques et plusieurs capitaines d’industrie donnent l’impression d’avoir intégré “la règle verte”, un lent écocide se poursuit. Contre le greenwashing, Rémi-Kenzo Pagès enquête et décrypte.
Maïdo : l'incendie de trop à la Réunion
La colère est immense. Au Parc National de La Réunion et dans la communauté écologue de l'île, la colère s'ajoute à la tristesse et à la crainte. Les scientifiques et les défenseurs de l'écologie insulaire s'inquiètent de la perte de biodiversité après de nouveaux incendies, dans l'ouest réunionnais.
Dans la nuit du 6 au 7 novembre, un incendie, probablement causé par l'homme, est allumé. Depuis les pompiers luttent contre les feux dans le massif du Maïdo qui domine la ville de Saint-Paul et le cirque de Mafate.
Cet incendie est d'autant plus dramatique que la zone touchée abrite une biodiversité riche et endémique. La tamarinaie du Maïdo est l'une des plus emblématiques de l'île, dont le Tamarin des Hauts et le petit tamarin des hauts sont des arbres symboles. Il y a aussi des oiseaux forestiers endémiques qui nichent dans les hauteurs et dont le feu détruit les habitats et leurs sources de nourritures. Les agents du Parcs s'inquiètent aussi pour les milliers d'insectes indigènes, essentiels pour la faune et la flore péi. Et plus que tout, il y a la peur de voir disparaître la population de lézards vert des hauts (Phelsuma Borbonica) qui niche au Maïdo. Cette espèce endémique, déjà touchée par les précédents incendies est classée en danger critique par l'IUCN qui recense les espèces en voie de disparition. De plus, le feu touche aussi de nombreuses espèces végétales endémiques qui servent d'alimentation aux oiseaux et au lézard vert des hauts, comme les Branles, les Ambavilles et les fleurs jaunes.
Il ne s'agit pas du premier incendie au Maïdo. En 1970, 3 000 hectares partent en fumées, 4 500 en 1988 et 760 hectares en 2010. En 2011, 2 500 hectares ont brûlés. Cette récurrence empêche la biodiversité de la zone de reprendre correctement, même si certaines espèces réussissent à se régénérer, d'autres comme le petit tamarin des hauts disparaissent progressivement.
Cet incendie est une conséquence de la sécheresse qui sévit dans l'ouest de La Réunion, et notamment dans les hauts. Elle est une conséquence du réchauffement climatique, pensent les agents du Parc National. Certes le feu est déclenché par l'homme, mais ce sont les conditions écologiques et climatiques qui lui permettent de prospérer autant. Surtout que la zone est envahie d'espèces végétales introduites, favorables au feu, qui l'alimentent et entretiennent un cercle vicieux. Plus ces espèces prolifèrent, plus il y a de feu. Plus il y a de feu, plus ces espèces se développent.
Heureusement, des espoirs subsistent. Les écologues comptent sur les capacités de régénération de certaines espèces, notamment sur les oiseaux qui jouent un rôle clé. Selon certains experts, les oiseaux forestiers qui ont fui, comme l'oiseau vert, le tec tec ou même le papangue peuvent revenir dans les prochains mois réensemencer le milieu, et transporter les graines nécessaires à la renaturalisation et à la réhabilitation naturelle du Maïdo.
Pour en discuter, le Média interview Guillaume Payet, Coordinateur Défense des forêts contre les incendies du Parc National de La Réunion.