Denis Robert reçoit des citoyens engagés, lanceurs d’alerte, intellectuels… Pour des entretiens à bâtons rompus dans lesquels le tutoiement est de mise et dont le présupposé admis par tous est que tout peut arriver.
Loïc, activiste de 24 ans, 3 ans en prison pour 2 cailloux
Mesdames et messieurs les jurés. Enfin, nous arrivons vers la fin de ce procès qui a débuté en décembre 2018. Je ne savais pas qu’un procès pouvait durer aussi longtemps. J’ai été arrêté quelques jours après l’anniversaire de mes 22 ans, en août 2018, les policiers ont défoncé la porte de la maison de mes parents en criant, ma petite sœur a dû se mettre à genoux les mains sur la tête. En entendant la porte se faire fracasser, j’ai eu dans mon esprit des images de violence policière lors d’interpellations, de comment les policiers se lâchent et frappent les personnes. J’ai pris peur et je suis passé par le toit en finissant dans le jardin des voisins et j’ai rejoint l’autre côté du lotissement. Mais la police avait bouclé l’ensemble du quartier, et une personne qui marche en chaussettes sur la route est très vite suspectée. Un policier en civil se met à courir après moi en me criant : « Viens ici petit merdeux ». Je me retrouve alors dans le jardin puis le garage d’un voisin, pris au piège. Contre le mur, contraint d’attendre que le policier arrive, ce dernier me saute dessus et me tord le poignet droit alors que je me laisse faire. Je lui fais la remarque de sa violence inutile et il me réplique : « Estime toi heureux que je ne t’ai pas tiré dessus ». Vu sous cet angle, je m’estime effectivement heureux d’être encore en vie. La porte du garage finit par s’ouvrir, des policiers, gendarmes, bacqueux et civils cagoulés apparaissent, arme automatique à la main…
Ainsi commence l’incroyable saga de Loïc Schneider, jeune étudiant en droit de Nancy qui, en 2017, décide d’aller manifester à Hambourg contre le G20. Retrouvé grâce à la vidéosurveillance en train de jeter deux canettes de bière et deux cailloux contre des policiers, recherché par Interpol, arrêté par des policiers français sur ordre du Parquet, il est transféré an Allemagne où après 15 mois de préventive, son procès démarre. On est chez Ubu et chez Kafka. Le procureur de Hambourg, malgré un dossier quasi vide, face à la défense assumée et revendiquée politique du jeune français, vient de requérir 4 ans et 9 mois de prison ferme contre Loïc. Heureusement le jeune homme, complètement oublié des médias français, lâché par les politiques (contrairement à la Suisse par exemple qui s’est opposé au transfert de ses ressortissants) rebelle et lucide, a de la ressource et de l’humour. Il le prouve dans ce TPA détonnant et délirant. Pour ceux qui voudraient suivre les aventures de Loïc, visiter son site : laneigesurhambourg.noblogs.org
Vendredi 10 juillet Loïc a été condamné par le tribunal régional de Hambourg à trois ans de prison ferme.