Si, en apparence, de nombreux dirigeants politiques et plusieurs capitaines d’industrie donnent l’impression d’avoir intégré “la règle verte”, un lent écocide se poursuit. Contre le greenwashing, Rémi-Kenzo Pagès enquête et décrypte.
Hécatombe de dauphins sur les côtes françaises
L’an passé, 11 300 dauphins se sont échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne. Derrière cette hécatombe, scientifiques et activistes pointent la responsabilité de tout un secteur : la pêche industrielle, ses lobbies et son productivisme dévastateur pour les espèces protégées. Le Média est allé enquêter le long de la côte Atlantique.
C’est un drap blanc, posé délicatement à même le sol, qui se gorge de sang. Un sang encore liquide, celui qui a le goût du crime. À la Roche-sur-Yon, des militants de Sea Sheperd viennent de déposer la dépouille d’un dauphin mort sur une place de la ville.
L’image peut choquer, surtout quand l’on sait que la place de ce mammifère marin est, en France, sur la liste des espèces protégées. Pourtant, 11 300 dauphins se sont échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne l’an passé. En février, l’ONG recensait déjà 600 incidents similaires depuis le début de l’année.
Cette hécatombe, tout un secteur en est responsable : celui de la pêche industrielle et de ses méthodes toujours plus productivistes. Le long des côtes atlantique, ce sont les dizaines de kilomètres de filets des chalutiers qui viennent stopper net la progression des dauphins qui chassent les bancs de poissons pour se nourrir. Quand ils ne meurent pas asphyxiés, les blessures causées par les filets leur sont généralement fatales.
Le Média est monté à bord du Sam Simon, le bateau de Sea Sheperd qui mène une campagne pour dénoncer les captures accidentelles de dauphins au large de la Vendée. Un activiste raconte : « L’année dernière, on s’est focalisés sur les chalutiers pélagiques qui pèchent en paires. Cette année, on a commencé à regarder ailleurs, vers d’autres bateaux, comme par exemple les fileyeurs de différentes tailles et aussi d’autres chalutiers. Il faut que l’on soit capable de cibler les méthodes de pêche qui posent le plus de problèmes. Cela pourrait aussi être bénéfique pour les pêcheurs afin qu’ils puissent intervenir à ce niveau-là ».
Des techniques de pêche dévastatrices
« Le long de la côte, la distribution des dauphins est concentrée à 100 mètres du bord. Exactement au même niveau que celle des bateaux de pêche », explique un chercheur de l’observatoire Pelagis, chargé de suivre les mammifères marins pour la façade atlantique.
Pour 11 300 dauphins tués en 2019, seules 7 déclarations de captures accidentelles ont été complétées par des pêcheurs.
À terme, l’ONG aimerait que des caméras soient posées sur chalutiers et fileyeurs pour collecter des données d’observation. Et pour cause, ces derniers temps, Sea Shepherd a retrouvé plusieurs carcasses de dauphins sur lesquelles certains morceaux avaient préalablement été prélevés volontairement. Pourtant, « il n’y a pas de pêche volontaire », assure Hubert Carré, du Comité des pêches et des élevages marins, un organisme représentant les intérêts privés des pêcheurs.
Le lobbyiste énumère 3 raisons qui pourraient justifier, selon lui, l’augmentation des échouages de dauphins le long du littoral : « Soit on a un stock de mammifères marins qui est en expansion, soit il y a un déplacement de la population de dauphins du large vers le littoral. Ou alors, l’autre explication, ça serait effectivement une technique de pêche nouvelle. Mais de notre côté, on n’a pas l’impression qu’il y ait un changement du mode de pêche ».
Concernant les militants de Sea Sheperd que le parquet des Sables d’Olonne poursuit suite à leurs actions à terre, le ministère réplique que « le transport d’espèces protégées est illégal » et que « les captures accidentelles par les engins de pêche ne constituent pas un délit ». « Ce qui l’est, cependant, c’est de ne pas les déclarer » anticipait déjà une activiste en février. Pour 11 300 dauphins tués en 2019, seules 7 déclarations de captures accidentelles ont été complétées par des pêcheurs.