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Coronavirus : l'échange inquiétant de médecins en première ligne
Ce document vidéo synthétisé par le Média, confirme la grande incertitude et les tensions du monde médical quant à l’avenir de la pandémie, l’inquiétude des personnels soignants et les risques pris par les équipes qui doivent faire face à l’afflux de malades.
Le document vidéo que nous diffusons est exceptionnel par la vérité qui y transparaît sur l’état de l’épidémie, des recherches et des moyens de la combattre. Ceux qui souhaiteront aller plus loin que la sélection d’extraits d’une trentaine de minutes que nous avons réalisée pourront le regarder dans son intégralité.
L’enregistrement date du mercredi 11 mars. Nous l’avons capté à partir du site des enseignants en médecine chargés de former les équipes de réanimation - où il est en accès libre mais essentiellement réservé aux personnels des hôpitaux chargés de traiter l’épidémie, sans avoir eu encore de contact avec le coronavirus.
Les deux protagonistes principaux de cette call conference sont :
- Jean-François Timsit, le chef de la réanimation de l’hôpital Bichat de Paris qui est, avec La Pitié Salpêtrière, le principal centre français spécialisé dans les maladies infectieuses.
- Ferhat Meziani, le chef du service de réanimation de l’hôpital de Strasbourg, rudement touché par l'épidémie en ce moment-même.
La diffusion la plus large possible de ce document nous a semblé souhaitable car l’échange entre ces spécialistes est très éclairante. Elle confirme la grande incertitude et les tensions du monde médical quant à l’avenir de la pandémie, l’inquiétude des personnels soignants, les risques pris par les équipes qui doivent faire face à l’afflux de malades. La conversation, parfois âpre, entre professionnels remet en cause quelques idées reçues et relayées par les médias généralistes sur l’origine de l’épidémie, sa nature et son traitement. Le Professeur Timsit résume bien l’état des lieux en une phrase lapidaire : « On est dans une médecine de catastrophe et je ne suis pas du tout catastrophiste en disant cela ».
Que ce soit sur le taux de mortalité en Chine chez les patients hospitalisés de plus de quarante ans plus élevé que prévu (environ 30%), sur l’augmentation de la mortalité liée à l’âge, sur le facteur aggravant des patients en surpoids, sur la contagiosité beaucoup plus élevée que pour une grippe « normale », cette conférence peut inquiéter le profane.
Nous y apprenons par exemple qu’une des principales difficultés en Italie est la suivante : dans la plupart des hôpitaux ayant reçu des malades, le personnel soignant, dans son immense majorité, malgré masques et précautions, est touché, et ils « en sont à compter ceux qui ne sont pas malades ». Les masques, s’ils ne sont pas jetés tout de suite après usage, sont très contaminants car ils retiennent les microbes et les diffusent.
Plus inquiétant encore, on a relevé en Chine certains cas de malades apparemment soignés qui ont été réinfectés par le virus. Ce qui pourrait signifier que contracter la maladie et en guérir ne nous immuniserait pas. Autre difficulté, devant la quantité de malades débarquant en réanimation, la question de la régénération de l’air dans les salles de réanimation devient prégnante. « On pourra être obligés parfois d’ouvrir les fenêtres quitte à faire rentrer des mouches et des miasmes de l’extérieur », indique l'un des spécialistes.
Sur la durée de l’épidémie, les conférenciers se projette sur quatre, voire cinq mois en France, avec un pic autour de 50 jours qui pourrait laisser entendre que les mesures de confinement dépasseront les deux mois et pourraient même, si les services hospitaliers restent encombrés, nous amener jusqu’à la fin juin.
Deux des énormes difficultés : le nombre de lits disponibles et le personnel en réanimation, où l'on compte 1,6 infirmier-e-s par malade (dans les autres services, on en dénombre 4 par malade).
Seule « bonne nouvelle » émanant de cette conférence : 80% des malades souffrant de coronavirus devraient s'en tirer sans trop de complications. 15% auront besoin d’oxygène mais s’en sortiront et 5% passeront par la réanimation, sans qu’on ne sache encore très bien pourquoi certains développent la maladie.
Pour les optimistes qui pensent qu’un vaccin pourrait nous sauver, il faut déchanter. Le temps que celui-ci soit inventé - même si Donald Trump, en campagne pour sa réélection, parait excessivement confiant -, nous devrons patienter de longs mois avant que ces vaccins ne soient fabriqués à l’échelle du drame.
Ceci étant, comme le virus persistera après la pandémie, les vaccins nous seront très utiles.