Assigné à résistance - Je n'arrive plus à les nommer
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Une huile miracle vantée par les stars, des abeilles (encore), la volte-face d’un préfet acariâtre, des animaux sauvages qui repeuplent nos villes et des morts à l'hôpital : le cinquième épisode du carnet de bord de Denis Robert, confiné près de Metz.
Vous êtes là, peinard, à chercher une putain d’idée pour entamer le tome 5 de vos aventures au pays du Coronavirus et soudain - à peine avez-vous cliqué sur un article roboratif de France Culture, qui explique que la Chine cherche à détruire les lanceurs d’alerte qui veulent dire leur vérité sur l’épidémie - vous êtes bombardé de messages aguicheurs qui vous vantent une huile bio incroyable, une recette de grand-mère qui vous permet de mieux dormir, de soigner votre arthrose.
Bon, à ma grande honte, je dois avouer que j’ai cliqué une fois sur ce message qui me promettait que j’allais mieux dormir. Depuis, un nombre dingue de stars profitent de mon confinement et de mon grand âge pour me vendre cette huile « divine et facile ».
Je ne sais pas à quoi pensent les générateurs de pub sur les réseaux sociaux, je me pose sérieusement la question. Pourquoi suis-je devenu leur cible ?
Pendant que j’essayais de comprendre les raisons profondes qui avaient poussé le vice-président de la Région Île-de-France à démissionner de son mandat pour poursuivre en justice le gouvernement en raison de l’absence de tests pour lutter contre le virus, Isabelle Huppert est venue me déranger pour me prévenir qu’elle avait commencé un « nouveau médicament sur ordonnance recommandé par son médecin », mais « après plusieurs effets secondaires négatifs », elle m’a écrit que Brigitte lui avait filé un flacon d'huile : « Ce produit est un miracle. Il ne m'a fallu que quelques jours pour constater la différence », m’écrivait Isa, photo à l’appui. J’avais envie de lui dire : « Mais Isabelle, j’en ai rien à foutre de ton produit miracle ». Comme on est en train de faire un film ensemble, je me suis abstenu.
J’ai fait son 06 (ben oui, j’ai son 06), je lui ai laissé un message : « Isa, c’est qui Brigitte ? ». Et je suis retourné sur mon ordi pour continuer à gratter sur cette histoire de tests qui auraient pu nous sauver la vie.
Je découvre que des labos privés étaient prêts par centaines à faire ces foutus tests à grande échelle. Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, le gouvernement n’a pas donné suite…
On réglera nos comptes plus tard mais comment ne pas être ébahi devant tant d’inconséquence : pourquoi n’a-t-on pas été capable de faire passer ces tests à la population… Parce que personne n’y a pensé ? Parce qu’on n’avait ni l’argent, ni le temps de le faire… Alors on a maquillé cette sinistre réalité en expliquant que ces tests, comme les masques, ne servaient à pas grand-chose ?
La tête pensante en matière de santé à l’Elysée a démissionné fin janvier sans être remplacée avant mars… C’est peut être aussi con et stupide que ça, au fond…
J’étais en train de poursuivre sur le sujet et de bifurquer sur un intéressant point de vue du Figaro Vox indiquant que nos libertés perdues ne seraient pas retrouvées, quand j’ai découvert, en cliquant sur une fenêtre surgissante, que Brigitte était en réalité Brigitte Bardot qui avait filé le tuyau à Isabelle Huppert concernant l’huile, mais aussi à son pote Alain Delon. C’est quand Alain m’a écrit que je me suis méfié : « Difficile à y croire, mais mes douleurs chroniques ont disparu ! Après quelques semaines d'utilisation de l'huile, j'ai pu arrêter tous les médicaments vendus avec ou sans ordonnance », m’écrivait Delon.
Putain, cette huile soigne même les AVC, me suis-je dit.
Et je suis passé à autre chose. Mon édito, merde.
C’est mardi. Et comme j’ai bossé avec des abeilles hier, je me retrouve fort dépourvu en ce 23ème jour de confinement.
D’abord, des nouvelles de la maison. Après une semaine d’antibios et de morphine, Géraldine va mieux. Elle est allée faire les courses samedi à Cora Moulins et s’est rendu compte que la famille Bouriez (propriétaire de Cora) avait augmenté ses prix outrageusement (surtout sur les produits frais). C’est une tendance générale. En période de confinement, les hypers ne jouent pas le jeu… Le jambon cru, le saumon, les mandarines... même les tomates cerises ont pris 20%.
Dites-moi, Monsieur Holinier (c’est le nouveau DG de Cora), ne pourriez-vous pas la jouer un peu plus cool en ces périodes de disette ? D’un côté, vous faites bosser vos petites mains avec des cadences de malade, de l'autre vous augmentez vos marges. Vous n'êtes pas les seuls, mais bon...
On fait la cuisine. Je n’ai toujours pas pu ouvrir un livre (à part Brautigan, par intermittence). J’ai un peu de mal avec la saison 4 de la Casa de Papel sur Netflix. La recette est un peu éculée…
Au ping-pong, je progresse, j’ai retrouvé mon smatch. Cornélius ne voit pas le jour. J’ai gagné trois matchs de suite en trois sets. Cornélius trouve que je suis en colère quand je joue. J’évacue sans doute quelque chose. Un mélange de dégoût, de fatigue, de rage. Il en fait les frais.
Sibeth Ndiaye a du nous lire, car elle a changé de staff et a limité les conneries ces derniers jours. Mais elle a très vite été dépassée, et largement, par le facho de service. Ceux que je trouve vraiment malfaisants, je décide de ne plus les nommer.
Le gars, dans un premier temps, accuse les malades en réanimation d’être en gros responsables de leur état - les fumiers - car ils se sont baladés alors que les consignes étaient strictes : pas de sortie…
La vidéo la plus plaisante de la semaine, c’est quand même son come-back, quelques heures plus tard, avec la mine contrite et le képi baissé pour s’excuser. Le mec qui a le plus gros melon de Cavaillon obligé de s’excuser d’avoir dit une énorme et très visible conne… turlupinade, faribole, imbécillité, ânerie… connerie.
Le souci majeur, c’est que ce genre d’homo erectus à képi qui se targue de représenter la République, la Nation, l’État de droit, j’en passe et des pires fait des petits partout…Dans les quartiers, où les tireurs de LBD ne prennent pas de vacances… et les enfants de cinq ans en font les frais. Allô place Beauvau… J’adore la manière dont la procureure prend la défense de la police.
Un copain m’a envoyé cette affiche du passé, la France sous Pétain… « Suivons le, taisons-nous ». Ça nous ramène cruellement à aujourd’hui et au Préfet, non ?
Hier, mon voisin m’a initié à l’apiculture…
C’était une forme d’expédition, de parenthèse enchantée… J’ai conscience d’avoir enfreint la loi, même si mon ami apiculteur et moi sommes restés à distance respectable…
Quand on a entendu un bruit de drone, on s’est mis à couvert… Même les campagnes sont surveillées. Voilà ce que m’a écrit mon ami Vincent Gallano, ce matin :
"Je suis encore sous le choc ! Hier, je suis dans mon jardin avec mon amoureuse pour planter des arbustes, ma jeune chienne mange un bâton à trois mètres de moi quand un bourdonnement et une voix de mégaphone me font lever le regard, incrédule, ébahi, sidéré !
J’entendais bien un truc, mais je me disais que c'était un effet sonore dans le morceau de reggae que je distinguais à peine vu que je suis à une vingtaine de mètres de ma véranda. Et là, je distingue clairement l'engin qui descendait vers moi de quelques mètres supplémentaires pour que je l'entende bien : "Vous êtes en présence d'un drone de la gendarmerie nationale. en raison du confinement les rassemblements sont interdits. veuillez rentrer chez vous. Merci de votre compréhension." Quatre ou cinq fois ce putain de message de fachos !
Le machin est resté au-dessus de moi jusqu'à ce que je me cache à l'intérieur. J'en reviens pas ! Un dimanche vers 16H, dans mon jardin, à Thiaucourt. Franchement, c'est quoi ce truc ? On s'est cru dans une série Netflix ! Ça s'appelle comment ? Abus de pouvoir, excès de zèle ou débilité profonde ? Est-ce que je vais devoir demander l'autorisation pour aller fermer le poulailler au fond du jardin ce soir ?"
C’est très impressionnant, l’organisation d’une ruche. J’essaie de trouver une métaphore avec nous et le Coronavirus mais je ne trouve rien. Disons que les abeilles refont surface ici et permettent aux fleurs de pousser et aux arbres d’avoir plus de fruits, que c’est très bon signe, cette nature qui éclot partout.
Même les saumons remontent les rivières en Bretagne. Dans les villes, la faune revient. Les canards attaquent Paris, les coyotes San Francisco. Mais si les singes se déploient dans les villes en Thaïlande, ce n’est pas toujours pour de bonnes raisons… Et c'est encore pire pour les éléphants.
Au moment où je me lamentais sur les éléphants, les petits vieux du cinéma me rappelaient à leur bon souvenir. Après BB et Jean Réno, c’est la très belle Anouk Aimé qui m’écrivait : « Je t’assure Denis, cette huile, c’est le meilleur remède contre les pieds douloureux après une journée passée sur le tapis rouge. Ce produit miracle permet de profiter d’une longue soirée, voire toute une journée. Chaque fois que je l'utilise, je me réveille le lendemain et j'ai plus d'énergie que jamais. Incroyable ».
Même Brigitte Godart m’a écrit : “Cette huile est le meilleur analgésique que j'aie jamais utilisé. Je pensais que mes jours de lutte pour sortir du lit ne finiraient jamais ”. Ne cherchez pas qui est Brigitte Godart, ce n’est pas la femme de Jean-Luc Godart, c’est une Parisienne à qui je demande poliment ici d’arrêter de me casser les burnes avec son huile essentielle…
Bon, revenons à l'essentiel. L'hôpital.
J’ai été bombardé de messages déchirants et de témoignages sans aucun rapport avec ce que nous serinent ceux que je n’ai plus envie de nommer…
D’abord, ces interventions de la député Caroline Fiat à l’Assemblée… Une aide-soignante à l’assemblée, ça fait un bien fou. "Vos soupirs quand on vous parle du personnel soignant, c’est juste abject. La santé des Français mérite mieux qu'être une ligne comptable sur un document de technocrate".
Autre sujet de courroux, voilà comment ça se passe à la Timone, à Marseille, quand il s’agit d’enfiler la bouse dans un hôpital drivé par une agence régionale de santé dont la mission première est de faire des économies…
Je sais qu'elle date de quelques semaines, mais souvenez-vous de ce que nous disait cette chef de service de la Salpêtrière...
Dans la série "on n’a pas encore touché le fond", le message d’alerte que m’envoie Bertrand Mertz, un ami avocat, qui est en contact régulier avec différents chefs de services dans des hôpitaux du Grand Est, laisse pantois : « Par décret en date du 2 avril 2020, le Premier ministre vient d’autoriser l’utilisation de médicaments à usage vétérinaire dans nos hôpitaux. C’est dire où nous en sommes du point de vue des réserves de médicaments. Pour être plus précis, la situation de pénurie est tellement grave qu’il s’agit maintenant d’autoriser l’utilisation de produits similaires qui étaient jusqu’à présent réservés seulement aux usages vétérinaires. Les patients Covid en réanimation sont sédatés sur une longue période, il n’y a donc plus sur le marché suffisamment de médicaments pour répondre à la demande. Les hôpitaux consomment en un jour ce qu’ils consommaient habituellement en 20 jours ».
Voilà où nous en sommes. Les stocks de médicaments pour soigner le Covid sont tellement à sec qu’on fait appel aux vétérinaires. Et ce n’est pas la dernière sortie du patron de l’ARS en Lorraine qui va rassurer…
On croit qu’on touche le fond sur le mode « on achève bien les chevaux ». Mais non. On est tranquille en voiture. On tombe par hasard sur Bercoff et Sud Radio, et voilà ce qu’on entend…
Un ancien pharmacien, Serge Rader, dénonce l’euthanasie pratiqué dans les Ehpad depuis le 29 mars… On vérifie qu’un décret permet effectivement de délivrer un anti-épileptique car il n’y a plus de place dans les hôpitaux. Et on trouve…
On les achève par voix injectable, parce qu’il n’y a plus de place et de respirateurs à l’hôpital.
Je me suis dit que j’avais du mal comprendre. J’ai appelé un ami médecin qui me confirme. Un autre m’écrit : « C’est encore pire que de laisser mourir les petits vieux dans les Ehpad puisque les médecins ont toute latitude pour sédater à mort les patients, sans consultation de la famille ni du collège de médecins qui devrait faire chorus ».
Je cherche des confirmations sur des sites professionnels. Et j’en trouve facilement.
Celui-ci, c’est la fédération des pharmaciens d’officine. Ils font état de la prise en injection de Rivotril, qui vise à tuer les patients avant qu’ils ne soient transportés pour mourir en hôpital et ainsi en éviter l’engorgement
Quand je regarde la télévision, je ne vois pas ces infos sur les vieux qu’on euthanasie, ni sur ces produits vétérinaires qu’on délivre aux malades, faute de stock. La mission des journalistes de télévision et de propagande – car il faut bien appeler un chat un chat, ou un Yves Calvi un Yves Calvi -, c’est de tranquilliser les populations, de leur siffloter l’air du prochain déconfinement et la baisse progressive des morts du Covid alors qu’on sait tous – peut-être moins qu’en Chine et encore - que les chiffres qu’on nous administre quotidiennement sont bidonnés. Ce n’est pas moi qui le dit, mais le Huffington Post…
La télévision est essentiellement compassionnelle. Le réel est tellement flippant. Je n’ai vu aucune analyse forte sur le délabrement du service public dans les journaux de 20 heures ou dans les émissions phare des chaines d'info en continu… Quand le pouvoir est critiqué, c’est toujours par un médecin en live ou un syndicaliste dont on précise souvent qu’il est de la CGT. Et ces critiques sont toujours amoindries, enveloppées par ce fameux tissu compassionnel qui nous encombre les bronches et le cerveau. Ça donne envie de tuer et de tousser.
Si on est dans cette merde, ce serait essentiellement la faute à pas de chance. Ceux que je ne veux plus nommer doivent garder le cul propre. Pour les masques, ils ne pouvaient pas savoir. Pour les tests, ils ne pouvaient pas deviner. Etc.
À bien y réfléchir, je n’en veux pas à ce gouvernement de ne pas avoir pris ou de ne pas prendre les bonnes décisions. Je leur en veux de nous mentir en permanence et de fuir leurs responsabilités.
Comme s’ils avaient peur pour demain, quand on sera à nouveau dans la rue.
Allez, salut.
PS - Bon, j’ai fait ma petite enquête sur cette huile à la con qui me pollue depuis deux jours, c’est évidemment une arnaque…
J’avais un réservoir de vannes à intercaler mais vu l’ambiance, je n’osais pas…
Il y a quand même celle de mon copain Kleude, qui m’écrit : « Cet après-midi, je décide de prendre la voiture histoire de la faire rouler pour la décrasser un peu. Je pars donc en pantoufles, les mains dans les poches et sans me munir d'une autorisation. Pour faire le tour du quartier, pas besoin... Évidemment, qui que je croise dans la cité : les gendarmes !
Heureusement, ils allaient dans l'autre sens et ils ne m'ont pas inquiété. Maintenant, il va falloir que je trouve à quoi dépenser les 135€ d'amende que je viens d'économiser... ».
Pour le reste, et c’est mon conseil confinement du jour, connectez vous via Instagram sur le site des Caractères… C’est tordant.
Illustration de Une : Adrien Colrat - Le Média.