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Pour le droit de se défendre dans la dignité face à la justice antiterroriste. Soutien à Libre Flot en grève de la faim

Par Collectif

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Le Média s'associe à L'Humanité, Lundi Matin, Politis et Reporterre pour publier une tribune de soutien à Libre Flot, en grève de la faim depuis le 27 février contre le régime d'isolement en détention provisoire qui lui est arbitrairement et illégalement imposé depuis 15 mois pour l'empêcher d'organiser sa défense face à une très évanescente accusation d’« association de malfaiteurs terroriste ». On trouvera un hyperlien à la fin du texte pour signer une pétition de soutien à Libre Flot.

Dimanche 27 février un militant, placé en détention provisoire depuis 15 mois et maintenu illégalement sous le régime de l’isolement, a entamé une grève de la faim. Pour Libre Flot (surnom), il s’agit du dernier moyen à sa disposition, aux risques de graves séquelles physiques, pour tenter de se défendre d’une accusation qu’il rejette avec force. Il est en effet mis en examen, avec 6 autres personnes aujourd’hui sous contrôle judiciaire, dans une affaire d’« association de malfaiteurs terroriste ». Il s’agit de la première inculpation de ce genre visant un « groupe d’ultragauche » depuis la retentissante affaire dite « de Tarnac » en 2008, qui avait tourné au fiasco pour les services de renseignement et la justice antiterroriste et devait finir dix ans plus tard par une relaxe quasi-générale. 

Si les arrestations des 7 inculpé.es du 8 décembre 2020 ont été moins médiatisées que celles de 2008, ce qui ressort du contenu du dossier dans la presse ne peut qu’interroger. L’enquête, ouverte depuis 10 mois au moment des arrestations, ne laisse apparaître aucune élaboration concrète de projet d’attentat - ni même d’une esquisse de projet -, mais seulement une bien vague « intention de s’en prendre aux forces de l’ordre ». Aucun projet précis, a fortiori aucun projet terroriste, et encore moins de projet terroriste imminent ne viennent donc justifier les arrestations en ce mois de décembre 2020. En revanche, celles-ci interviennent opportunément au moment où un vaste mouvement questionnait le rôle de la police dans notre société, à la suite du soulèvement récent contre les crimes policiers aux États-Unis et de la diffusion virale d’une vidéo dans laquelle on pouvait voir des agents parisiens tabassant un homme noir, Michel Zecler. Mouvement que le gouvernement, devant l’impossibilité de nier dans ce contexte l’existence de « violences policières », cherchait alors à contenir en agitant le spectre des « casseurs », « black blocs » et autres « gilets jaunes radicalisés ». 

 Il apparaît ensuite que l’enquête est principalement motivée par la présence de Libre Flot aux côtés des YPG du Rojava, parmi d’autres militants internationalistes, dans la bataille contre Daesh à Raqqa en 2017. Depuis son retour, il était en effet surveillé par les services de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui le soupçonnent de chercher à constituer autour de lui un groupe de lutte armée. La DGSI avait déjà tenté d’appliquer à d’autres personnes ce fantasme du vétéran revenu du Rojava pour prendre les armes en France, avant d’être démentie par la justice, et ce dans un contexte plus large de criminalisation des luttes pour l’autodétermination du peuple kurde en Europe. Alors que des milliers d’internationaux s’engagent en ce moment-même pour défendre l’Ukraine, l’iniquité de l’utilisation à charge de l’implication dans le projet communaliste au Rojava saute aux yeux – sans parler de la qualification terroriste pour quelqu’un qui a contribué à la chute de l’État Islamique

De sa grève de la faim, Libre Flot n’attend la satisfaction que d’une seule revendication : qu’on le libère pour lui permettre de préparer sa défense. D’autres inculpé.es dans cette affaire ont dû attendre des mois – le temps que la cour d’appel contredise le juge d’instruction – avant d’avoir simplement accès au dossier, et donc à ce qu’on leur reproche précisément. Les écoutes servant de base à l’accusation (dont la légalité est contestée par certains avocats) ont mis plus de 7 mois avant d’être accessibles à la défense. Libre Flot a décrit, dans plusieurs lettres publiques, la réalité glaçante des effets du régime de l’isolement sur le corps et l’esprit (pertes de mémoire, vertige, douleurs thoraciques, trouble de la concentration, perte de repère spatio-temporel, hébétude, etc.). C’est dans cet état qu’il est censé se défendre d’une machinerie kafkaïenne dans laquelle l’absence d’éléments matériels joue à charge, parce qu’il faut réfuter non pas tant des faits que la construction d’un récit. Les inculpé.es de Tarnac avaient fini par obtenir la déqualification terroriste, en 2017, après neuf ans de bataille judiciaire, en faisant acter par la cour de cassation que les faits qui leur étaient reprochés (le sabotage de l’alimentation électrique de lignes TGV) n’avaient pas été commis « en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Mais comment se défendre quand il n’est reproché que des « intentions » supposées ?

 Aujourd’hui la décision de renouvellement du maintien à l’isolement de Libre Flot vient d’être validée pour la seconde fois par le Ministre de la Justice. Depuis le début ce régime lui est imposé sur la seule base de la qualification « terroriste » de l’affaire, sans rapport avec son comportement en détention, alors que cette mesure n’est censée être justifiée que par des considérations relevant de la sécurité du détenu ou de la prison. Eric Dupond-Moretti, prompt à retrouver sa verve d’avocat pour dénoncer les instructions montées uniquement à charge quand il s’agit de plaider sa propre cause, ne semble pas particulièrement ému par l’utilisation du régime de l’isolement comme moyen de pressuriser un prévenu et de l’empêcher de préparer sa défense. 

Libre Flot reste donc privé de contact humain jusqu’à nouvel ordre. Combien de temps devra encore durer sa grève de la faim avant qu’il n’obtienne le droit élémentaire – et d’autant plus important que l’accusation est lourde – de se défendre dans des conditions décentes ? 

Une pétition est en ligne pour réclamer la libération de Libre Flot. 

SIGNATAIRES : Bernard Aspe (philosophe), Gwenn Audic (artiste peintre), Léna Balaud (agricultrice et chercheuse en philosophie politique),  Etienne Balibar (philosophe), Ludivine Bantigny (historienne), Jérôme Baschet (historien), Élisa Bausson (travailleuse sociale), André Bernold (écrivain), Edgar Blaustein (militant associatif), Hamit Bozarslan (historien et politiste), Claude Calame (anthropologue), Albert Calipel (travailleur social retraité), Joachim Clémence (artiste-chercheur), Vanessa Codaccioni (politiste), Collectif Rennais Anti-Carcéral, Annick Coupé (porte parole Attac), Alain Damasio (écrivain), Kamel Daoudi (assigné à résistance), Fatou Dieng (Comité vérité et justice pour Lamine Dieng), David Dufresne (écrivain-réalisateur), Michel Dugué (enseignant retraité), Olivier Fillieule (politiste), la FRAP (Rennes), Isabelle Frémeaux et Jay Jordan (artistes-activistes), Julien Fretel (politiste), Laurent Gayer (politiste), Julie Gervais (politiste), Jean-Marie Goater (éditeur), Olivier Grojean (politiste), Manon Guilbert (ex-inculpée dans l'affaire de Tarnac), Murielle Guilbert et Simon Duteil (co-délégués généraux, Union Syndicale Solidaires), Claude Guillon (écrivain), Odile Hélier, Pierre Khalfa (Fondation Copernic), Laurent Jeanpierre (politiste), Antoine Jobard (éditeur-imprimeur), Naruna Kaplan de Macedo (cinéaste), Gérard Lambert (utopiste), Jacques Lèbre (écrivain), Jean-Claude Leroy (écrivain), Audrey Martin (défenseuse des droits humains), Serge Martin (professeur émérite, Sorbonne nouvelle), Gustave Massiah (membre du conseil scientifique d'Attac), Lola Miesseroff (écrivaine), Lionel Monier (comédien), Corinne Morel Darleux (autrice), Natalie Quintaine (écrivaine), Willy Pelletier (sociologue), Serge Quadruppani (auteur et traducteur), Tancrède Ramonet (documentariste), Christiane Renauld (écrivain), Résistance écologiste Rennes, Mathieu Rigouste (sociologue), Benjamin Rosoux (ex-inculpé dans l'affaire de Tarnac), Tony Rublon (géographe), Le Sabot (maison d'édition), Grégory Salle (sociologue), José Sciuto (cadre en entreprise culturelle), Isabelle Stengers (philosophe), UL CNT 35Union Communiste Libertaire RennesValK (photographe), Françoise Vergés (politologue et militante féministe décoloniale), Comité limousin de soutien à l’affaire du 15 juin 2021.    

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