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Marseille : Délégations en garde-à-vue. Des avancées judiciaires qui tétanisent la nouvelle majorité municipale. Nos révélations

Par Olivier-Jourdan Roulot et Xavier Monnier

Retrouvez les contenus de ces auteurs : page de Olivier-Jourdan Roulot et page de Xavier Monnier.

Les choses s’accélèrent dans l’enquête sur les fausses procurations présumées des 15e et 16e arrondissements de la ville. Quatre personnes ont été placées en garde à vue dans ce dossier, dont deux adjoints de la maire Michèle Rubirola et un commandant de police. La directrice de cabinet de Samia Ghali a aussi été entendue, et une perquisition menée à la mairie de secteur. Des avancées judiciaires qui tétanisent la nouvelle majorité municipale. Nos révélations.

Après l’odeur de la victoire et l’ivresse de la fête, la gueule de bois ? À Marseille, pour la nouvelle majorité, les jours d’après n’ont déjà plus la saveur de ceux d’avant. Depuis une semaine, la ville (s’im)patiente. Elle attend que Michèle Rubirola, désormais installée à l’hôtel de ville, publie les arrêtés fixant les titres et les contenus des délégations de ses 30 adjoints. En jeu, un équilibre savant pour récompenser les nombreuses composantes du Printemps marseillais qui ont fait cette véritable arche de Noé mixant partis politiques, monde associatif, mouvements syndicaux et personnalités venues de la société civile.

Parmi les délégations, celles réservées aux 5 adjoints obtenus par Samia Ghali pour son ralliement font l’objet de toutes les spéculations. Cette annonce qui tarde était attendue mercredi. Finalement… rien. Quand on pose désormais la question en coulisses, plus personne ne s’aventure à donner une date. Surtout depuis hier. Car le calendrier politique est percuté de plein fouet par l’actualité judiciaire.

La planche à procurations

Le Média l’avait révélé le 6 juillet dernier : l’enquête ouverte avant le second tour par le parquet de Marseille sur les fraudes supposées aux procurations s’est déplacée au nord, après de premières auditions (libres) de policiers.

Les investigations ont franchi un nouveau cap hier matin avec le placement sous le régime de la garde-à-vue de plusieurs personnalités. À l’heure du déjeuner, La Provence a fait fuiter l’info en révélant la présence parmi elles du commandant Henri Gil. Cet officier respecté de ses troupes, patron du commissariat du 15e arrondissement, entretient des relations cordiales avec les élus du secteur.

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Marguerite Pasquini, 22e adjointe au maire, a été placée en garde-à-vue

Mais l’enquête des fonctionnaires de la brigade financière prend une nouvelle dimension, forcément explosive, puisqu’elle touche aussi la garde rapprochée de Samia Ghali. Le Média a eu confirmation d’une source proche du dossier de l’identité de trois autres protagonistes – dont une vieille militante. Roland Cazzola et Marguerite Pasquini, respectivement 11e et 22e adjoints de Michèle Rubirola, étaient toujours en garde à vue hier soir. La journée a été longue aussi pour Charlotte Laugier : la directrice de cabinet de la sénatrice, dont elle est aussi l’attachée parlementaire, a en effet également été entendue [comme suspect en audition libre et non en garde-à-vue, comme nous l'avons d'abord écrit ce matin]*. La même source nous a par ailleurs confirmé qu’une perquisition a eu lieu dans les locaux de la mairie du 8e secteur, remportée avec 400 voix d’avance par Samia Ghali - et à la tête de laquelle cette dernière a installé sa cousine Nadia Boulainseur.

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D’après les informations du Média toujours, Roland Cazzola, numéro 2 sur la liste « Marseille avant tout avec Samia Ghali », était celui qui se chargeait de collecter puis transmettre par fax les photocopies des cartes d’identité accompagnant les demandes de procurations. 5e sur la même liste, Marguerite Pasquini se serait déplacée à plusieurs reprises au commissariat du 15e arrondissement. Charlotte Laugier, la dircab de Samia Ghali, a été l’une des chevilles ouvrières de sa réélection. Le commandant Henri Gil validait et signait les procurations douteuses sans que les policiers déjà auditionnés ni lui-même ne rencontrent à aucun moment les mandants, ce qui est obligatoire.

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Charlotte Laugier, directrice de cabinet de Samia Ghali, entendue par la brigade financière (ici sa photo de profil sur Twitter)

Déflagration marseillaise

Pour la maire écologiste de Marseille et le Printemps, ce nouvel épisode a tout d’une déflagration. Il ne peut être sans conséquences, au regard de l’alliance passée avec leur encombrante alliée Samia Ghali, égérie auto-proclamée des quartiers nord.

Ces conséquences seront lourdes. On se souvient que Marguerite Pasquini avait joué un rôle majeur dans la dramaturgie du 4 juillet, avec l’élection de Michèle Rubirola obtenue à la majorité absolue, avec 51 voix - les 42 du Printemps auxquelles étaient venues s'ajouter les 9 des élus de la liste Ghali. Vieille routière de la politique locale, de toutes les commissions d’investitures et des cartes au PS depuis des années, Marguerite Pasquini s’était installée dans le fauteuil habituellement réservé au maire pour présider le vote et les débats. Initialement, la place était réservée à Guy Tessier, doyen de la nouvelle assemblée du haut de ses 75 ans et député LR. Mais ce dernier l'avait invitée, puisqu'elle était la plus ancienne après lui, à le remplacer au perchoir, estimant qu’il ne pouvait à la fois tenir le règlement et être candidat. Remplaçant une Martine Vassal défaite dans son secteur, Guy Tessier était en effet devenu le nouveau champion de la droite - avec l’idée qu'il l’emporterait au bénéfice de l’âge en cas d’égalité entre les deux camps.

Ce geste, le doyen et ses amis politiques allaient s’en mordre les doigts en assistant, déconfits, au dénouement d’une interminable séance. Il faudra en effet une coupure de plusieurs heures entre deux tours de scrutin pour que les leaders du Printemps Marseillais, d’un côté, Sami Ghali avec son mari et principal conseiller Franck Dumontel, de l’autre, parviennent à un accord de gouvernance. Et de dernière minute.

Un jeu à découvert

L’histoire qui était sur le point de s’écrire était en effet toute autre à l’ouverture de cet épilogue marseillais. D’après nos informations, au petit matin, la faiseuse de reine était décidée... à faire un roi. Cette confidence, Samia Ghali l’a faite de très bonne heure à une proche. Ce qu’elle lui a confié alors dessinait un tout autre scénario. Mais un homme a fait exploser ce plan.

Après avoir jeté de l’huile sur le feu en laissant entendre l’avant-veille de ce 3e tour que des négociations avec la droite étaient possibles, Stéphane Ravier a changé la donne en demandant et obtenant la parole, ce que le règlement ne prévoyait pas. Renvoyant dos à dos les acteurs de la pièce en cours, le sénateur RN a ensuite quitté l’hémicycle avec son groupe. Ce qui rendait impossibles de possibles transferts de voix « contre nature », qui seraient dans ces conditions devenus transparents malgré le vote à bulletins secrets.

Marseille : Délégations en garde à vue. Des avancées judiciaires qui tétanisent la nouvelle majorité municipale. Nos révélations

C’est dans ces conditions que le duo Ghali/Dumontel s’est engagé dans des négociations qui n’avaient jamais été sur le point d’aboutir - et pire encore étaient rompues la vieille sur un constat d’échec - pour inventer un accord de la 25e heure avec le Printemps Marseillais. L’affaire n’étant pas ficelée, il avait fallu toute la « souplesse » de la présidente Pasquini pour laisser du temps au temps. Pour que Samia Ghali, arrivée par une porte dérobée le matin, ressorte bras dessus dessous avec ses nouveaux amis.

Les déboires avec une justice qui s’est approchée tout prêt de la faiseuse de reine du 4 juillet, cernée par l’enquête en cours, sont-ils en train de creuser la tombe d’une alliance de circonstance ? À moins qu’ils ne permettent de sauver l’essentiel tout en mettant sous l’éteignoir les ambitions dévorantes de la vibrionnante sénatrice ? La question est brûlante, désormais. En scellant un accord avec une politicienne incarnant tout ce contre quoi ce mouvement s’est constitué, les dirigeants du Printemps marseillais ont fait de la (real)politique, quitte à renier une partie d’eux-mêmes dans cette histoire. Pactiser avec le diable n’est pas sans risque. Il aura fallu peu de temps pour le constater.

* Modification apportée le 17/07 à 20h15.


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