L'été venu, le pharaon pâlit
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À Sanary-sur-Mer, Ferdinand Bernhard, 68 ans, presque deux mètres sous la toise, est surnommé le pharaon. La première fois qu'il a été élu, Emmanuel Macron avait 5 ans. S’il a rempilé en mars pour un sixième mandat d’affilée, son été est gâché : mi-juin, l’indéboulonnable maire divers droite de cette station balnéaire comparaissait devant la justice pour avoir confondu ses intérêts et ceux de sa commune. Le jugement sera rendu en septembre. Devant le tribunal, le pharaon a dû faire profil bas. Premier épisode de notre nouvelle série sur les baronnies du Midi, "Les Potentats".
Il a peu goûté le terme, son avocat l’a rappelé dans sa plaidoirie : « À quel moment a-t-on pris la moindre pincette ? ». Fixant la présidente et le représentant du ministère public, Maître Julien Pinelli prend son temps pour détacher chaque mot d’une défense qu’il sait produire en terrain hostile. Dans l’immense salle du tribunal de commerce de Marseille, où la 6ème chambre correctionnelle a exceptionnellement posé le camp, on entendrait une mouche voler. Cet après-midi du mercredi 10 juin, au terme d’un procès soupe à la grimace, le pénaliste est lancé dans un exercice sur un fil. « Ça coûte quoi ? Ça coûte quoi ? ».
En début d’année, en campagne pour renouveler un bail entamé il y a trois décennies, le maire sortant de Sanary-sur-Mer avait choisi de ne « vendre » que son seul nom à ses électeurs. C’est son meilleur slogan. Sur ses affiches, aucun logo partisan, simplement sa silhouette devant un port de carte postale avec ce message digne d’une pub d’office de tourisme : « Toujours mieux vivre à Sanary, aujourd’hui et demain ! ».
La politique comme une évidence, l’idée d’une vie au soleil affichée comme une certitude à toute épreuve. De quoi faire oublier bien des soucis.
Maître Pinelli a des lettres et du talent. Il sait ménager ses effets. Coutumier des dossiers sensibles, l’Aixois connaît ces moments qui font la solitude et la grandeur du métier, quand il faut aller au combat pour ramener à la surface un client qui a bu la tasse. Sacrée responsabilité. Ceux qui fréquentent les palais où on rend justice le savent : les causes perdues donnent parfois lieu à des moments de bravoure.
Passer la 6ème
Ce mercredi 10 juin, l’avocat a fort à faire. Il entend dénoncer le tableau qu’on veut dresser de son client - celui d’un « satyre sexuel utilisant sa capacité sociale pour satisfaire ses pulsions ». Satyre sexuel, on ne sait pas. En revanche, une chose est sûre : Ferdinand Bernhard vient de passer trois jours sur le grill, essuyant questions, charges et accusations comme on irait poitrail en avant sous la mitraille. En dépit d’une réputation le décrivant brutal avec ceux qui se dressent sur sa route, même après l’épreuve, l’élu varois tient aux usages. Et ces mots-là, ce « vocable de l’amant et de la maîtresse », ils ne passent pas.
La 6ème chambre correctionnelle est une épreuve. De celles auxquelles on ne résiste que si on le cuir tanné et les nerfs solides. Elle a la main sur les dossiers économiques et financiers. Pas des broutilles, ces choses-là - pas des petites histoires de rien, isolées et perdues, petites vies projetées dans le tragique, la folie et la désespérance du fait divers. Parler et juger de faits de corruption, de détournement d’argent public, de financement politique et occulte, d’enrichissement personnel, d’abus de pouvoir, du dévoiement des règles qui organisent la vie d’un pays, ses administrations, ses moyens, ses territoires, par ceux qui les font, les appliquent et doivent les défendre, ce n’est pas accessoire. Au-delà des cas personnels et des errances de ceux qui viennent se fracasser en ces lieux, ces pratiques sapent l’esprit même de la démocratie. Elles creusent sa tombe et préparent sa perte. Pour ceux qui ont le carton, être à l’affiche de la 6ème chambre est une sorte de reconnaissance à l’envers. Par le pire.
Un physique
À l’ouverture de son procès, haute stature, costume sérieux et regard puissant sous de fines lunettes, le maire de Sanary-sur-Mer portait encore beau. Quelque chose de physique, et l’apparence de celui qui est sûr de lui. Le « pharaon » (ou le « grand », c’est selon) avait hâte de s’expliquer pour contrer des accusations portées selon lui par des opposants cherchant maladivement la petite bête là où elle n’est pas. Autour d’un café avalé dans la meilleure pâtisserie de la ville, à deux pas du tribunal, son conseil avait tenu à nous le faire remarquer : en jouant d’expédients bien connus des avocats, la défense aurait pu faire reporter l’audience. Ferdinand Bernhard ne l’avait pas souhaité, il ne comptait pas fuir ses responsabilités.
Pour dire les choses, difficile au départ d’avoir une opinion favorable de l’élu. On n’entre jamais neuf et vierge devant un tribunal. Quand, à l’ouverture de l’audience, il décline son identité et son parcours, Ferdinand Bernhard a déjà deux condamnations au revers de sa veste - des histoires de diffamation et d’injures publiques. Et dans l’assistance qui s’est déplacée, beaucoup ont lu « le dossier » (de l’accusation).
Main de fer dans un gant de velours, la présidente Céline Ballerini s’était montrée d’entrée prévenante. Mauvais signe. Passé le galop d’échauffement (la matinée) pendant lequel il avait fait illusion, Ferdinand Bernhard épuisera vite ce maigre crédit, trop rigide et directif. Et surtout entraîné par la désastreuse prestation d’un ex-collaborateur également prévenu. Ce retraité très content de lui avait été mis au supplice par le tribunal. Il avait été recruté en 2010 via un marché public que la justice estime faussé, car taillé sur mesure pour lui. Alors que tout le monde le désignait comme directeur de cabinet du maire, l’homme, 75 ans aujourd’hui, a refusé d’endosser le rôle, s’abritant derrière une logorrhée absconse et pompeuse. Il est vrai que les deux postes de collaborateurs de cabinet autorisés par les textes étaient déjà occupés… Bref, ce premier jour d’audience, quand il cède la place à la barre à son ancien patron, l’ex-vrai/faux dircab est défait. Chacun a compris : le vent a tourné, mauvais.
Un être indivisible
Principaux plats de résistance de ce procès (avec, en amuse-gueules, des infractions sur les marchés publics), trois histoires édifiantes concernent l’édile de façon toute personnelle : celle de la maison, celle de l’amante et celle de la voiture. Comme autant d’épisodes d’un même film, elles racontent de façon sidérante un élu qui distingue pas ses fonctions électives de sa personne. Ferdinand Bernhard et le maire de Sanary ne font qu’un. Ils se confondent.
À Sanary-sur-Mer, le quartier résidentiel de Beaucours est un des plus recherchés. On y vit au milieu d’une belle pinède. La mer et la plage sont toutes proches, 500 mètres à peine. Y trouver un terrain constructible est une gageure. Au tournant de la décennie 2010, Ferdinand Bernhard y a acquis une parcelle de 1511 m2 pour faire bâtir quatre maisons : trois pour ses enfants, la quatrième (la plus grande, avec piscine) pour lui. Pour en arriver là, Monsieur le Maire s’est démené. Il a remué ciel et terre.
Le calendrier de ces opérations a de quoi intriguer. Ferdinand Bernhard avait obtenu un permis de construire le 23 novembre 2009 alors qu’il n’était pas encore propriétaire du terrain. L’article L 422-7 du code de l’urbanisme imposait que l’assemblée communale délibère pour désigner un conseiller municipal habilité à délivrer le permis - une obligation négligée par le premier élu de la ville. L’autorisation n’aurait de toute façon pas dû être délivrée car la parcelle ne possédait pas à l’époque de passage, condition impérative pour qu’il soit accordé (1). La vente devant notaire avait été officialisée le 21 avril 2010. Le 28 juillet 2010, le conseil municipal avait voté la création d’une voie déclarée d’utilité publique, procédure nécessitant une expropriation, et ce en contradiction avec les observations de la commission d’enquête du PLU. S’il s’était abstenu de voter, le maire avait participé à la décision : il s’était chargé de présenter le projet et avait signé le document officialisant la délibération qui offrait accès au terrain dont il était désormais propriétaire.
Mis bout à bout, ces éléments décrivent une opération menée de main de maître. De quoi rendre jaloux bien des administrés rêvant de rendre constructible un terrain qui ne l’est pas, à commencer par les anciens propriétaires. Les uns après les autres, ceux-là s’étaient cassé les dents sur ce noble objectif. Essayant par tous les moyens d’obtenir un passage, ils avaient été jusqu’à assigner en justice une copropriété voisine récalcitrante. Avec, à trois reprises, un arbitrage défavorable.
L'élu désenclave
Avant que le conseil municipal ne le délivre de son enclavement, Ferdinand Bernhard avait lui aussi entrepris la copropriété voisine (celle déjà sollicitée par les ex-propriétaires). Il avait écrit à sa présidente, une patiente de son cabinet dentaire, pour l’informer de son intention d’acheter le terrain et solliciter un droit de passage. La lettre avait été envoyée en juillet 2009 dans une enveloppe à en-tête de la mairie. Devant le tribunal, l’envoyeur a expliqué que le logo a été « posé au moment de l’affranchissement » en vertu « [d’]un accord avec la Poste » - un élément dont il n’avait jamais parlé au juge d’instruction.
Un an plus tôt, en juin 2008, les copropriétaires de La Pinède avaient déjà reçu un courrier qui mêlait curieusement la commune à ce qui restait un différend privé. Adressée par un cabinet notarial, la missive était rédigée comme un acte officiel. Elle commençait ainsi : « La commune de SANARY a pris acte du refus du syndicat des copropriétaires de céder, à titre gratuit, la parcelle de 888 m2 provenant de la parcelle cadastrée section AZ 394 ». La collectivité était ensuite positionnée comme une sorte de juge de paix : « Souhaitant trouver une issue amiable à cette situation, la commune souhaite faire une dernière proposition au syndicat des copropriétaires en lui proposant : la cession à titre gratuit (un euro symbolique) des 10% du terrain, soit 412 m2 » et « la cession du surplus du terrain, soit 476 m2, moyennant le prix de 26 500 euros ». Surpris par cet engagement de la mairie, les propriétaires avaient opposé un nouveau refus. Le conseil syndical déposera plainte le 5 novembre 2011.
Au cours de l’instruction (confiée à la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille), l’enquête a permis également de mettre en avant des interventions répétées du maire auprès de son administration, mobilisée avant même d’acquérir le terrain enclavé. Pour mener son projet, Ferdinand Bernhard n’a lésiné sur rien. Sollicité à de multiples reprises, le service de l’urbanisme est mis à contribution pour préparer et sécuriser sa demande de permis de construire. Plus économique qu’aller voir un cabinet spécialisé (2), mais rien d’anormal pour l’intéressé. Il l’a expliqué devant le tribunal correctionnel de Marseille, chaque administré à Sanary peut en faire de même, d’après lui. Sauf que sa position n’est pas celle de tout le monde. Les juges d’instruction ont clairement pointé les choses dans leur ordonnance de renvoi : « Nul ne pouvant servir deux maîtres à la fois, écrivent-ils, il était impossible pour le chef de service de faire la part entre Ferdinand Bernhard, simple administré en quête de renseignements techniques et celui qui était alors et est d’ailleurs toujours le premier magistrat de la commune qui l’employait ». Pas tenable, en clair, pour le fonctionnaire de refuser de répondre favorablement à « cette démarche chargée d’ambivalence ».
Avec le bon maire, les services sont particulièrement diligents. Un seul exemple, édifiant : le 22 juin 2011, Ferdinand Bernhard dépose une demande de modification de son permis pour ajouter une piscine et un pool-house, notamment. Le jour même, la commission donne un avis favorable, alors que la feuille d’étude du service technique n’a cette fois encore pas été établie et donc remise. Interrogé par la présidente lors du procès - « une telle célérité, vous confirmez... c’est quelque chose d’habituel ? » -, l’élu a bien tenté de convaincre de sa bonne foi : « Je peux vous affirmer que je n’ai aucun intérêt que ça aille vite ». Difficilement. « Je voudrais être jugé comme un simple administré », finira-t-il par demander comme une grâce, sans même se rendre compte de l’effet de la formulation. « Nous ici, soyez rassuré… vous serez jugé comme n'importe quel administré ».
La baguette... à 135 euros
Ses administrés, le maire de Sanary veille sur eux. Au nom du fameux « Toujours mieux vivre à Sanary, aujourd’hui et demain ! ». Dans la pratique, ça détonne parfois. Pendant le confinement, piqué par on ne sait quelle mouche, le pharaon s’était fait remarquer en prenant coup sur coup deux arrêtés baroques. Le second interdisait à la population de s’éloigner à plus de 10 mètres de son domicile. Un « quasi-couvre-feu H24 », pour la Ligue des droits de l’Homme, « sous prétexte de raison sanitaire ». « Utilisées à tort et à travers, ces mesures privatives de libertés apparaissent pour ce qu'elles sont en réalité : des excès de pouvoir dangereux et liberticides ».
La LDH avait aussitôt saisi le juge administratif et le maire avait dû retirer son arrêté, face au tollé provoqué. L’émoi était d’autant plus vif qu’il avait aussi voulu faire verbaliser les clients ressortant une seule baguette sous le bras de chez le boulanger. À 135 euros le PV, ça faisait cher le bout de pain. Là-encore, il s’agissait d’empêcher la circulation du virus, et donc de veiller à la santé de ses administrés... même malgré eux. « Je conviens que mes arrêtés (3) étaient peut-être excessifs au goût de certains, lâchera-t-il finalement, un peu penaud. Si on trouve que c'est trop, que voulez-vous que je vous dise ? Je les retire ».
Quand c’est trop, c’est trop – prétend le bons sens populaire. Devant le tribunal correctionnel de Marseille, c’est aussi valable. C’était bien cette conception personnelle de ses pouvoirs par un élu qui administre son petit monde selon son bon vouloir et ses propres règles qui était également au cœur de l’affaire de l’amante. Un second volet symptomatique tant il mêle le privé et le public, l’intime et le professionnel.
Cette histoire au parfum de népotisme, celle du « vocable », valait donc au maire et à son ex-directrice générale des services de siéger sur le même banc des accusés, lui pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics, elle pour recels. Celle d’une ascension comme on en rêverait pour, quelques temps après avoir été recrutée en contrat précaire, devenir la numéro 1 d’une collectivité de 220 salariés. Cela suffit-il à la qualifier de promotion canapé ? Certainement pas pour la défense, on l’a compris. Les faits sont pourtant têtus.
Promo à toute berzingue
Débarquée en famille dans le Midi au tournant de la décennie 2000, Sybille Beaufils avait postulé en 2009 à un emploi de contrôleur de gestion. Convoquée pour un entretien par le maire, elle était ressortie de son bureau le job en poche. Sans avoir eu à défendre sa cause. Elle avait trouvé ça « étrange » sur le moment après avoir mis sa vie professionnelle en pause plusieurs années, mais s’était dit qu’une bonne étoile veillait sur elle. L’ex-comptable et son nouvel employeur s’étaient déjà croisés : quelques années plus tôt, l’élu l’avait mariée mais il n’en avait parait-il gardé aucun souvenir, ayant « célébré plus de 800 » mariages ; en 2007, Sybille Beaufils lui avait par ailleurs loué sa maison, une quinzaine de jours. L’édile, en instance de séparation, avait à l’époque besoin urgent d’un pied à terre. Mais tout était passé par un intermédiaire.
Embauchée au départ pour un CDD de courte durée, la jeune femme va très vite gravir les échelons de l’administration municipale. À la vitesse d’un TGV : elle est prolongée en mai 2009, avec un nouveau CDD de trois mois ; en juillet, elle signe un contrat de trois ans comme attachée territoriale ; un mois plus tard, la voilà qui démissionne pour intégrer le cabinet du maire ; sommet de cette ascension à toute berzingue, son périmètre d’intervention ne cessant de s’élargir, elle est promue en janvier 2011 DGS de la commune quand la titulaire du poste part à la retraite ; Sybille Beaufils est désormais à la tête des services de la mairie - des fonctions qu’elle tiendra jusqu’en 2014.
Pour justifier cet emballement de carrière, l’intéressée a évoqué devant le tribunal « une conjonction d'événements ». Elle aurait mis le doigt sur de graves irrégularités dans le budget, à peine embauchée. « Un trou énorme », liée selon le maire aux cachotteries de sa directrice financière. « Je pense qu’il (Ferdinand Bernhard, NDLR) a eu une perte de confiance dans les équipes, a commenté son ancienne collaboratrice. Si je n’avais pas trouvé ces anomalies, il n’était pas exclu que la mairie puisse se retrouver sous tutelle ».
Après une telle entrée en matière, la contrôleuse est devenue indispensable. Ça tombait bien, elle « adore les challenges ».
DGS undercover
Problème, Sylvie Beaufils n’était pas une directrice générale des services comme les autres. Devant le tribunal correctionnel, l’ambiguïté de sa situation a donné lieu à de savoureux échanges. « Déjà, je suis en poste... ». L’explication à peine amorcée, la prévenue n’était pas allée plus loin, stoppée par la présidente : « Oui, vous êtes en poste sans être en poste ! ». Car il y a un problème : à Sanary-sur-Mer, pendant de longs mois, la personne placée au sommet des services et des employés ne l’était qu’officieusement. C’est bien simple, elle ne pouvait pas... signer les actes relevant de son autorité !
En effet, cette ex-responsable administratif d’un garage ne possédait ni le niveau de diplôme requis (Bac + 5, alors qu’elle se prévaut d’un Bac + 4, obtenu en formation continue), ni le statut. La règle est claire, elle s’impose à tous : pour occuper cette fonction, il faut être titulaire de la catégorie A de la fonction publique territoriale. L’intéressée avait d’ailleurs tenté le concours à plusieurs reprises. Mi-juin, elle a précisé au tribunal avoir « réussi trois fois l’écrit ». En vain. « Malheureusement, je perds mes... je perds mes… ».
« Vous n’êtes pas bonne à l’oral ! », l’avait accouché la présidente, toujours aussi attentive.
En septembre 2013, la numéro 1 de l’administration passe un entretien d’évaluation « particulièrement positif ». Elle n’a pas perdu ses moyens, visiblement. « C’est la première fois que je vois le noté [sic] rédiger lui-même le compte-rendu », s’étonne la juge Ballerini. La note est excellente. « Le maire m’a demandé d’écrire », tente « la notée » pour justifier cette mascarade. Celui-ci confirmera, précisant détester cela (écrire). « Je rêve de faire ma propre notation », soupire la présidente.
Une relation facile
Interrogée sur l’influence de sa proximité avec Ferdinand Bernhard sur les fonctions confiées à la mairie, une « décision marquée du sceau de l’imperium » selon la formule des juges d’instruction, Sybille Beaufils a bien tenté de faire partager son point de vue. Avec un succès très relatif. « C’était plus facile pour moi au niveau de la relation de confiance », remarque-t-elle. Le vice-procureur Etienne Perrin se charge de remettre les mots dans l’ordre, crucifiant cette défense maladroite : « Pour bien travailler en confiance avec monsieur Bernhard, il faut avoir une relation, et c’est plus facile ».
On le pressent, cette totale dépendance au maire porte en soi sa défaite. Quand les affaires personnelles et professionnelles sont aussi étroitement imbriquées, quand le privé et le public se confondent, c’est aussi, fatalement, une très grande faiblesse. Car par gros temps, Ferdinand Bernhard ne fait pas (ou plus) dans les sentiments.
Entre ces deux-là, le temps avait tourné à l’orage, le maire ayant appris que sa protégée avait une liaison avec un jardinier de la ville. S’étonnant de voir qu’on installait un bureau dans les services techniques, la DGS avait demandé, naïvement : « Pour qui ? ». « On m’a dit « pour toi ! » ».
« À partir du moment où nous n’avons plus eu de relation personnelle, il y a eu des hauts et des bas », commentera-t-elle encore. Pendant l’instruction, la même avait expliqué avoir senti, du jour au lendemain, qu’elle n’était plus ni le présent ni l’avenir de la commune et de son maire. Interrogé à son tour devant le tribunal, Ferdinand Bernhard assurera qu’il n’était pas au courant de « l’histoire de jardinier », « découverte en lisant l’interrogatoire ». « Quand on dirige une ville, il y a beaucoup de rumeurs ».
Dormir, les yeux fermés
« On va en prendre plein la gueule ». Le matin du second jour du procès, ce membre du staff de Ferdinand Bernhard témoignait d’une certaine lucidité. Guère optimiste, donc. Son tour venu de monter sur le ring, quelques heures plus tard, son patron avait été accueilli d’une formule qui n’avait rien de rassurant. Manches de chemise retroussées, il avait obtenu une pause pour attraper une bouteille d’eau. « Pardonnez-moi il fait chaud, quand je suis assis ça va, mais là… ». La présidente avait souri, faussement conciliante. « Oui faites, en plus on a besoin de vous aujourd’hui. Il n’y a plus que vous ! ».
Ça avait plutôt mal (re)commencé, pour évoquer son ex-directrice des services. « Je préfère quelqu’un qui fait fonction et est efficace que quelqu’un de nommé, mais beaucoup moins efficace ! ». Comment dire... Avec ce genre de phrases harakiri balancées dans un lieu où on respecte le droit et sanctionne ceux qui le contournent, autant monter séance tenante à l’échafaud. Par la suite, le potentat varois tentera bien de compenser, rappelant à l’envi son attachement à la loi, et à son respect. C’est mieux ainsi.
Pour revenir à l’ascension de Sybille Beaufils, Ferdinand Bernhard tenait à rassurer : « Vous pouvez dormir tranquille, il n’y a aucune raison de s’imaginer que les choses ont fonctionné comme certains l’ont affirmé à tort ». Le maire et sa collaboratrice/directrice ont été amants pendant trois ans, c’était de notoriété publique, mais pas de ça chez lui : « Je trouve tellement indécent que certaines personnes considèrent qu’une femme puisse avoir une carrière parce qu’elle a eu une relation avec son patron. Une femme, il faut regarder d’abord ce qu’elle fait, plutôt ce qu’elle est dans sa salle de bains ! » Devant les gendarmes, lors de sa première audition, l’intéressée avait répété à six reprises qu’elle pensait que cette relation intime avait favorisé sa progression. Elle a changé d’avis.
La ligne de démarcation ainsi établie, le privé renvoyé à sa décence, peu importe alors qu’on apprenne que Ferdinand Bernhard avait eu aussi une liaison avec une autre ex-collaboratrice, ou qu’il vit désormais avec sa secrétaire. La salle de bains - ou plutôt le cabinet -, les yeux fermés !
Certains ont... quand même regardé. Comme Maître Huguette Ruggirello, avocate sur le banc des parties civiles, étonnée d’avoir lu un organigramme sur lequel le nom de la nouvelle compagne de l’élu apparaît positionné au-dessus du DGS en poste... « C’est ma secrétaire, un point c’est tout, et elle n’est pas en plus la DGS, Dieu nous en préserve ! ». Pas sympa pour la dame, on en conviendra. Mais quid du fameux organigramme ? « Il y en a beaucoup, je ne sais pas s’il a été fait par la mairie... Quand vous aurez un organigramme signé par le maire, vous pourrez dire que c’est le bon ! ».
Quelque chose de lourd
Pour le bon maire, ces spéculations sur son ex-petite amie sont d’autant plus déplacées que Sanary a largement profité des services de celle qui est « un peu le couteau suisse ». À se demander comment la commune a pu fonctionner sans elle avant, et depuis. Les esprits mesquins tiquent - relevant qu’elle avait doublé son salaire en occupant un poste auquel elle n’avait pas droit. Sur ses bulletins de paie, l’envolée ne se conteste pas. Elle est spectaculaire : de 2896, 77 euros en août 2009, son salaire passe à 4330, 08 euros un mois plus tard. Puis grimpe jusqu’à 5 600 euros nets, encore gratifiés d’un bonus de 500 euros (mensuels) à partir de 2012, au titre des œuvres sociales de la ville (CCAS). Le propre mari de Sybille Beaufils avait jugé à l’époque, il lui avait dit, que cette promotion ne visait qu’à « mieux la posséder »... Décidément, ces « tordus », comme les appelle Ferdinand Bernhard, ne comprennent rien : « Dans un groupe, quelquefois il se passe des choses, mais il faut être capable de séparer. Là, on est dans quelque chose de lourd. La gestion d’une ville, c’est pas un roman à l’eau de rose ! »
La réalité, le maire l’a martelée lors du procès : « ça a permis de faire des économies » car sa collaboratrice « est à la fois sur le financier, contrôleur de gestion, au cabinet et encore DGS »... Elle est partout, on l’a compris. À Sanary, l’équation est d’une logique implacable. Devant la justice, elle est aventureuse à poser.
« Est-ce que vous auriez nommé votre épouse ? ». À la droite de la présidente, l’assesseur a à peine bronché pour poser sa question. L’air de rien, de ne pas y toucher. « Non parce qu’elle n’a aucune compétence ». La proie a mordu, le piège pouvait se refermer : « Ce qui vous est reproché, avait complété le magistrat sur le même ton monocorde, c’est que vous avez deux intérêts contradictoires. Le seul fait qu’ils le soient pose un problème »
Pris dans l’étau, l’édile souffre le martyre. « Vous ne vous êtes pas dit « je suis en train de nommer ma maîtresse ! » ». Cette fois, c’est le parquetier qui lui fait un sort. « Non ! Vous répondez « pour moi, il n’y pas de débat »… » C’est en trop. Ferdinand Bernhard vacille, bouillant : « On a autour de nous, et je ne souhaite pas que ça vous arrive, ça peut arriver à tout le monde… Attention… que des gens colportent des bruits… Et ça peut tuer des personnes… Ce matin, j’ai reçu le message d’un maire qu’on a accusé de pédophilie. Et, vous voyez… ». D’un coup, la présidente a perdu son sourire. Elle ne laissera pas le prévenu achever cette démonstration glissante. « Mais monsieur Bernhard, on est en train de parler de choses qui ne sont pas des rumeurs ! Vous ne voulez pas qu’on parle de madame comme votre maîtresse, mais dans l’ordonnance de renvoi il est écrit que vous étiez son amant… ».
En voiture !
Les amants partaient parfois en week-end. À la montagne ou en Italie. Ils empruntaient un véhicule de la commune, dont Ferdinand Bernhard s’était réservé l’usage. C’est le troisième volet : après le terrain (la maison), l’amante, la voiture, donc.
Ce véhicule, une Peugeot 3008, le maire avait décidé seul de son auto-attribution. Le conseil municipal n’avait pas eu à valider cette décision, puisqu’on ne lui avait rien demandé. La simplification administrative avant l’heure, en quelque sorte...
L’enquête a établi que Ferdinand Bernhard ne possédait pas de carte grise à son nom depuis 1993. À partir de 2002, au moins, la commune lui en a fourni une, cartes d’essence et de péage comprises. Dans un premier temps, il avait assuré aux enquêteurs que cet usage restait strictement limité aux obligations liées à sa fonction de maire. Il avait dû progressivement lâcher du lest, face aux éléments que ses interlocuteurs lui mettaient sous le nez - des déplacements pointés à partir de 2009 du côté de Monaco, à Narbonne, en Savoie ou encore à Vars, station de ski des Alpes où il possède une résidence secondaire. Pour partir à l’étranger aussi - à Sienne, en Italie. Devant les mêmes, sans en démordre, il avait précisé n’avoir « aucun état d’âme ». La disponibilité requise par ses fonctions justifiant à ses yeux cette liberté.
Pour les maires, l’usage d’un véhicule de fonction n’est autorisé que depuis 2014 (sous conditions), et l’entrée en vigueur de la loi du 11 octobre 2013. Jusqu’alors, seule la prise en charge des frais de route était prévue, en vertu d’une circulaire ministérielle. Pour se défendre, Ferdinand Bernhard avait expliqué devant les enquêteurs n'avoir pas voulu de chauffeur, pour ne pas grever les finances de la communes. Chez l’élu varois, c’est un état d’esprit : à chaque fois qu’il est pris la main dans le sac, utilise ou détourne des moyens publics, comme dans l’histoire de l’amante, c’est une économie pour la collectivité...
Pendant le procès, le prévenu a assuré qu’il ne connaissait pas la règle. En France, nul n’est censé l’ignorer, selon la formule consacrée, surtout quand il s’agit d’un élu. Par ailleurs, ignorance pour ignorance, au-delà du fait que le maire était en principe entouré d’une administration formée pour la connaître et la faire respecter, un rapport de la chambre régionale des comptes avait pointé cet usage anormal en 2013. Pourtant, le maire a continué après ce rappel à l’ordre - le vice-procureur Perrin l’a dénoncé - à se servir du véhicule à des fins personnelles.
À court d’arguments, le pharaon varois, également président de l’agglo et conseiller départemental, a tenté devant le tribunal d’ergoter sur le statut du véhicule à sa disposition, qu’il faudrait considérer comme une voiture de service. En vain. Le représentant du ministère public s’était là encore chargé de rappeler la règle : « Est-ce qu’il s’agit d’un véhicule de fonction ou de service ? Si c’est un véhicule de service, le ministre de l’Intérieur l’a rappelé, on ne peut pas l’utiliser pour des raisons personnelles. Soit c’est un véhicule de fonction, c’est interdit par la loi ».
Le roi est servi
Au sujet de son ex-patron et ancien amant, Sybille Beaufils avait glissé dans sa première déposition une phrase lourde de sens : « Il épuise les gens, il se comporte comme un roi », avait-elle confié. « C’est une personne très lunatique, il sait prendre sur lui quand il est mis à mal, et qu’il a des intérêts à défendre, mais dans le cas contraire il méprise les gens. Il ne supporte pas d’être contredit ou mis face à ses responsabilités ». Paroles d’experte.
Devant les gendarmes, l’ex-DGS avait encore évoqué « la crainte qu’il procure sur [sic] ses subordonnés ». « Il a une autorité de chef de clinique », confirme au Média un de ceux qui le pratiquent, dans une formule clin d’œil à son activité de chirurgien-dentiste.
Dans le dossier en attente du jugement, à plusieurs reprises, on a croisé au cours de l’instruction les noms d’ex-fidèles et proches déchus, après avoir déçu. Exigeant une dévotion totale de ceux qui l’entourent, le maire de la station balnéaire donne naturellement dans l’autoritarisme, selon un autre témoin qui a demandé l’anonymat pour ne pas risquer de rétorsions. « C’est incroyable, il y a un climat et une atmosphère autour de lui… Je n’ai jamais vu une telle larbinité [sic] !!! ». Et de décrire au Média des collaborateurs sur le qui-vive, toujours prêts à devancer ses exigences tout en craignant de malfaire et de déplaire…
Pour ceux qui lui manquent, la sentence est sans appel. Dans un article publié en 2000, Le Monde avait donné la parole à une ex-responsable du personnel. « J’étais chargée de rédiger les arrêtés de mutation et de sanction du maire », témoignait-elle au sujet de ces mises « à la trappe ». « Et j’en ai vu passer une quinzaine qui n’avaient aucun rapport avec des motifs professionnels ».
Le 10 juin, en prononçant son réquisitoire, le vice-procureur Etienne Perrin avait certainement quelques-unes de ces déclarations en tête. « Monsieur Bernard est au cœur d’un système, il a été décrit comme un roi sur la commune de Sanary, avec ses qualités, celles qu’on attendait d’un roi - attachement à sa commune, aux enfants, à la sécurité, ça lui va bien et ce n’est pas contradictoire. Un roi parce qu’il y a aussi de l’arbitraire dans ses décisions et un mélange des intérêts ».
Sur un air de Joe Dassin
La justice est une épreuve cruelle quand elle vous renvoie à la gueule un tableau contre lequel ni les bonnes manières, ni le monde de courtisans dans lequel vous vivez, ni une honorabilité que vous pensez acquise pour toute éternité ne vous ont préparé. « Ne salissons pas ce qui ne mérite pas de l’être »… Au moment des comptes, la phrase de Maître Pinelli tient de la supplique. Comme si le principal était déjà joué.
« Ces infractions sont plus graves que celles commises par un voleur, parce qu’elles sont dissimulées, parce vous avez des fonctions de responsabilité, qui vous ont été confiées, on parle de confiance. Elles sont totalement dévoyées, sans état d’âme pour reprendre vos propres déclarations ». Avant de demander que ces dérives soient sanctionnées, celles d’un politique tout puissant car sans contre-pouvoirs, le procureur Perrin s’était encore tourné vers le tribunal : « Il est élu de la République depuis de très nombreuses années. C’est un professionnel de la politique, il sait très bien ce qu’il fait, quand il vient se planter devant vous comme un naïf, il vient travestir les éléments du dossier ».
À ce stade, Ferdinand Bernhard reste présumé innocent, tant que le tribunal n’a pas rendu sa décision. « Il arrive que la calomnie prospère, en matière judiciaire », lancera en défense Maître Julien Pinelli, dénonçant « des colportages » visant « quelqu’un qu’on aime pas, qu’on voudrait voir dégager et dont on espère que l’autorité judiciaire fera le sale boulot ». Ces quelques semaines de répit, son client aimerait sans doute qu’elles se prolongent. Que l’été indien, cette année, ne finisse jamais. Mais dans le Var aussi, parfois, les histoires finissent mal. Cela, le potentat de Sanary-sur-Mer le sait parfaitement. Il connaît son histoire, et celle de son territoire. Il a été à bonne école.
Le Var, souvenez-vous... Il y a un quart de siècle, ce territoire entre bord de mer et arrière-pays faisait les gros titres des journaux. On parlait alors d’une classe politique à la dérive, du mélange des genres et de relations troubles avec les milieux affairistes, et plus grave encore, le Milieu tout court. L’affaire Piat, cette députée qui prétendait s’opposer à la spéculation immobilière, assassinée en 1994 à Hyères, avait marqué l’acmé de cette sombre période. Avec la chute de Maurice Arreckx, l’intouchable « parrain politique » du coin, sénateur-maire de Toulon et président du conseil général, provoquée par la découverte en Suisse d’un compte où il déposait l’argent du racket des marchés publics. Le meurtre en Italie de Jean-Louis Fargette, capo de l’ombre, son alter ego et son ami, avait précédé et peut être précipité ces événements ; le règne des frères Perletto sera lui aussi écourté…
Depuis, plus rien. Le Var, ses affaires et ses sales histoires, a disparu des radars. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. Loin du regard d’une presse en souffrance, les atteintes à l’éthique y sont monnaie courante et l’esprit de corruption plus fort que jamais. Sauf que ça n’intéresse plus personne. Ensuite c’est mécanique : puisque ça n’apparaît pas, puisque les journaux n’en pipent mot, ça n’existe pas…
Cette période déliquescente, celle d’Arreckx, a préparé le lit du Front et du Rassemblement national. Ce dévoiement de ce qui fait la dignité et la grandeur de l’action politique a contribué à livrer des villes et des territoires aux soldats du lepénisme. Dans une atmosphère de sidération.
L'Etat tétanisé
Il y a trois ans, je m’étais penché sur les secrets du Var, au hasard d’un dossier tombé entre mes mains. Si quelque chose a changé, c’est en pire, car ceux qui trichent et tordent la loi ont retenu la leçon. Fini l’amateurisme, désormais les corrompus et les corrupteurs mènent leurs affaires avec l’arrogance et les manières de voyous en col blanc. Je me souviens des échanges que j’avais eu avec des militants de l’éthique, qui bien que de plus en plus isolés, n’avaient pas désarmé. L’un d’eux en particulier était littéralement stupéfait par ce qu’il voyait. Il avait pourtant le cuir tanné, travaillant pour le service juridique d’une collectivité des Bouches-du-Rhône - un territoire où on sait faire en matière de clientélisme et de combines. Il avait en quelque sorte le brevet mais là, il me l’a dit ainsi, ça dépassait l’entendement.
J’avais également échangé avec un témoin engagé depuis 30 ans sur la scène politique locale. Un type à la probité indiscutable. Ce qu’il m’a raconté était tout aussi effarant. À la faveur d’une conjoncture favorable (l’élection d’un président de la République, dont il était proche), il avait fait remonter des informations au plus haut niveau de l’État. Pas des rumeurs ou des inventions, non : des faits, des dossiers, des éléments graves et précis. En dépit d’une nature peu portée sur le fatalisme, il avait dû se rendre à l’évidence. Pour constater, consterné, que rien ne bougeait. Rien n’a bougé. Que l’État faisait comme s’il ne voulait rien voir.
« Ils sont tétanisés, avait-il lâché devant mon étonnement, ils n’osent pas bouger car ils craignent que ça ne fasse monter et installe encore plus l’extrême droite… ».
En 1996, au moment de la chute du vieux lion Maurice Arreckx, le tribunal qui le jugeait pour les commissions occultes ponctionnées sur les marchés publics avait eu ce mot : « Il s’est servi de sa fonction d'homme politique incontournable pour satisfaire sa cupidité ».
Quand il s’est lancé en politique il y a 40 ans, Ferdinand Bernhard avait un protecteur. Le jeune élu a grandi dans l’ombre de celui dont le parrainage était indispensable pour faire carrière sur ces terres du Midi. Son parrain politique en avait fait le président de la commission départementale du tourisme du Var. L’ex-bébé Arreckx a fait du chemin. Un quart de siècle après son mentor, il attend à son tour que la justice ne livre sa vérité. Le jugement sera prononcé le 7 septembre, à 8h30.
Il y a deux mois, les mots très durs délivrés par le vice-procureur Etienne Perrin pour armer son réquisitoire semblaient regarder vers le passé. Fixant Ferdinand Bernhard, il avait parlé d’un « serviteur qui s’est servi » avant de demander trois ans de prison avec sursis et une peine d’inéligibilité (4). À ces mots, le pharaon de Sanary n’avait pas bronché.
Il est des filiations marquantes, dans une vie. Dans le Var, certaines collent à la peau plus que d’autres.
MAJ, 07/09/2020, 16h41 : Le tribunal correctionnel de Marseille, qui avait mis son jugement en délibéré, condamne le maire de Sanary-sur-Mer à trois ans d'emprisonnement, dont 30 mois avec sursis. Il condamne également l'élu à la confiscation définitive des villas qu'il avait fait bâtir sur une parcelle qu'il avait acquise sur la commune. Face à la gravité des faits reprochés, il est également condamné à 5 ans de privation de ses droits civils et civiques. Le tribunal a décidé qu'il devra effectuer les 6 mois ferme d'emprisonnement sous forme de détention à domicile et sous surveillance électronique.
Sybille Beaufils, son ex-amante et ex-DGS de la commune, a de son côté été condamnée à 8 mois de prison avec sursis, 50 000 euros d'amende et 5 ans de privation de ses droits civils et civiques.
Enfin, Jean Jacques Ceris, ex-collaborateur du maire et troisième prévenu dans ce dossier, écope de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende et 5 ans de privation des droits civils et civiques.
Dans la foulée du prononcé du jugement, l'avocat de l'élu du Var l'a indiqué au Média : Ferdinand Bernhard fait appel de sa condamnation. "Monsieur Bernhard conteste l'ensemble des accusations portées à son encontre et entend naturellement mener jusqu'à son terme cette procédure", nous indique Maître Julien Pinelli.
Ce lundi matin, le tribunal correctionnel de Marseille est allé au delà des réquisitions du parquet.
(1) Cet enclavement explique pourquoi le maire n'avait payé sa parcelle que 300 000 euros, alors qu'un terrain constructible dans ce secteur se négocie le double, au bas mot.
(2) Pendant le procès, le vice-procureur Perrin rappellera sans détours l’évidence : « Le maire doit prendre ses conseils, ses avocats, et les payer comme tout le monde ».
(3) Parmi les mesures restrictives, il prétendait dans la même veine obliger ses administrés à acheter les journaux par paquets, en interdisant (et sanctionnant) l’achat d’un seul et unique titre.
(4) Le parquetier a également réclamé la privation des droits civiques (droit de vote et de témoignage en justice) pendant une durée de 5 ans, ainsi qu’une amende de 100 000 euros et la confiscation de la propriété.
Illustration de Une : Adrien Colrat - Le Média.