Guinée : Les petits arrangements d'AMR avec la vérité
Retrouvez les contenus de ces auteurs : page de Thomas Dietrich et page de Téo Cazenaves.
L’Alliance minière responsable répond à notre enquête sur la bauxite en Guinée, affirmant n’être « liée de près ou de loin avec un quelconque paradis fiscal ». Les documents que nous publions aujourd’hui prouvent le contraire.
Suite à notre enquête « Françafrique : Parfum de corruption en Guinée », l’Alliance minière responsable (AMR) a publié un communiqué vigoureux dans lequel elle qualifie notre enquête de « rumeurs diffusées par une plateforme militante et politisée ». À l’invective, nous opposons les faits : les éléments que nous publions ci-dessous attestent des liens entre l’AMR et une société offshore située au Bélize, un pays d’Amérique centrale qui, jusqu’à fin 2019, était placé sur la liste noire des paradis fiscaux de l’Union Européenne.
Dian Dian, la société à capitaux béliziens de Girbal et Launay
En 2013, Romain Girbal et Thibault Launay créent la société de droit guinéen Dian Dian Bauxite Investment Sarl. Cette société est elle-même détenue à 97 % par une autre société, Guinea Investment Holding Corp.
Guinea Investment Holding Corp a été immatriculée le 21 janvier 2013 au Bélize, un pays placé jusqu’au 8 novembre 2019 sur la liste noire des paradis fiscaux de l’Union Européenne (créée en 2017). En 2009, déjà, le petit pays d’Amérique centrale était considéré par l’OCDE comme « une juridiction qui s’est engagée à respecter les standards d’imposition internationaux, mais ne les a pas suffisamment mis en œuvre ».
En 2015, le Bélize était inclus dans la liste des 30 paradis fiscaux établie par la Commission Européenne après le scandale des LuxLeaks. En 2016, le Guardian révèle un scandale d’évasion fiscale impliquant des hommes politiques britanniques, qui avaient dissimulé leurs avoirs au Bélize. Interrogée par le Média, l’ONG Oxfam souligne qu’il y existe « un manque général de transparence, mais selon des sources non-officielles, le taux effectif d’imposition des sociétés semble être très bas. Il existe en particulier une zone franche avec plusieurs exonérations fiscales ».
Lors de la création de Dian Dian Bauxite Investment Sarl, codirigée par Girbal et Launay (également cofondateurs d’AMR), l’immense majorité des parts est donc détenue par une société offshore.
Un rapport prouve les liens entre Dian Dian et l’AMR
En consultant le rapport sur la Guinée de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) pour l’année 2016, on apprend qu’un arrêté du ministère des mines et de la géologie en date du 17 décembre 2015 transfère le permis minier de Diandian Bauxite Investment Sarl à l’Alliance Minière Responsable Sarl, qui vient d’être créée quelques mois plus tôt.
Selon ses promoteurs, l’AMR Sarl n’est pas liée « de près ou de loin avec un quelconque paradis fiscal ». Pourtant, c’est une société à capitaux béliziens dirigée par ces mêmes promoteurs qui cède à l’AMR un permis d’exploitation du bauxite...
Dian Dian et AMR, une coïncidence de plus
Autre coïncidence troublante, révélée par le journaliste Aboubacar Akoumba Diallo, qui lie une fois de plus l’AMR à Dian Dian, la première société créée par Girbal et Launay : l’AMR Sarl est enregistrée sous le même numéro dans le registre du commerce guinéen – RCCM/GC-KAL/045.130A/2013 - que Dian Dian Bauxite Investment SARL.
Affaire à suivre.
Illustration de Une : Adrien Colrat - Le Média.