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À Bayonne, maigre peine pour un visage défiguré au LBD

Par Chloé Rébillard

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Un policier de la BAC comparaissait ce vendredi au tribunal de Bayonne après avoir tiré au LBD sur le visage de Lola Villabriga lors d’une manifestation à Biarritz, le 18 décembre 2018. La jeune femme dénonce aujourd’hui l’usage d’armes mutilantes et la doctrine française du maintien de l’ordre, tandis que ses soutiens s’alarment de la légèreté de la peine : le policier, condamné à 1350 € d’amende, pourra continuer à exercer.

Une cicatrice à la commissure des lèvres, quelques visites à venir chez le dentiste afin de remettre une dent perdue. Près d’un an et demi après le tir de lanceur de balles de défense (LBD) qui l’a atteinte au visage, Lola Villabriga souffre encore de séquelles physiques et psychologiques. 

Le mardi 18 décembre 2018, elle manifeste avec une amie lors d’un déplacement du ministre des Affaires Étrangères, Jean-Yves Le Drian, afin de préparer le sommet du G7 qui doit se tenir quelques mois plus tard. Le mouvement des Gilets Jaunes a démarré depuis plus d’un mois, et quelques centaines de personnes sont venues faire entendre leur mécontentement et leur opposition à la tenue du sommet international dans la cité impériale. 

Alors qu’elle se trouve à proximité de la Grande Plage, debout sur un banc pour filmer la contestation, un policier - dont on apprendra plus tard qu’il est membre de la BAC (Brigade anti-criminalité) de Bordeaux - commet un tir sans sommation qui la frappe au bas du visage. Elle écope d’une triple fracture à la mâchoire, est opérée dans la foulée. Ce vendredi 26 juin 2020, c’est ce fonctionnaire, identifié lors de l’enquête IGPN, qui est sur le banc des accusés pour « violences involontaires ». Le procès se tient dans un contexte particulier, alors que les pratiques violentes de l’institution policière ont resurgi dans le débat public. 

À Bayonne, maigre peine pour un visage défiguré au LBD
Lola Villabriga au Palais de Justice de Bayonne, le 26 juin 2020. Crédits : Chloé Rébillard.

Lola Villabriga et son avocate Sophie Bussière ont voulu saisir ce moment pour pointer les responsabilités du policier, des méthodes du maintien de l’ordre et de la dangerosité des armes utilisées. Elles ne souhaitent pas que la responsabilité individuelle, reconnue par l’auteur des faits, cache des problématiques plus générales : « C’est criminel de laisser utiliser ces armes [LBD et grenades explosives, NDLR] alors que l’usage qui en est fait est à tout-va, répressif. Ça peut arriver à n’importe qui », explique au Média Lola Villabriga, quelques jours avant l’ouverture du procès. Elle milite désormais pour leur interdiction. 

"Ça fait 40 ans que dans les banlieues, ça tire à tout va et ça canarde. On n’y croyait pas, on n’imaginait pas ce que cela pouvait être. Maintenant c’est dans la rue, sur tout le monde, ce n’est plus possible de fermer les yeux" - Lola Villabriga.

Sophie Bussière, quant à elle, énumère les instances qui ont condamné l’usage du LBD ou proposé son abandon : « Les derniers rapports du défenseur des droits aboutissent à une demande d’interdiction du LBD. On peut aussi faire le parallèle avec les grenades. Au niveau européen et international, la France est pointée du doigt par toutes les institutions de défense des droits de l’homme sur l’usage de ces armes dites « intermédiaires ». C’est impressionnant : ce sont des critiques massives sur ce qui se passe en France depuis pas mal d’années ». 

La veille de la manifestation où la jeune femme a été blessée, le 17 décembre 2018, l’ONG Amnesty International publiait un rapport intitulé : « France : Usage excessif de la force lors des manifestations des "gilets jaunes" », qui recensait l’usage inapproprié des armes comme le LBD ou les grenades de désencerclement depuis le début du mouvement. Pour Lola, on a déjà bien trop attendu : « Ça fait 40 ans que dans les banlieues, ça tire à tout va et ça canarde. On n’y croyait pas, on n’imaginait pas ce que cela pouvait être. Maintenant c’est dans la rue, sur tout le monde, ce n’est plus possible de fermer les yeux ».

1350 euros d'amende

Ce 26 juin, devant le Palais de Justice de Bayonne, des petits groupes ont commencé à affluer dès 8 heures pour soutenir la jeune femme de 20 ans - 19 au moment des faits -, désormais étudiante aux beaux-arts à Nantes. Et si la disproportion du déploiement policier le jour de la manifestation anti-G7 est pointée du doigt dans la salle d’audience, la même scène se rejoue aux abords du tribunal : contrôles de police, camions de gendarmes et forces de l’ordre ont été déployés en nombre pour faire face à la centaine de soutiens qui ont fait le déplacement. 

Le policier est jugé en CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) et non pas en correctionnelle. Cette procédure judiciaire accélérée permet à l’agent, s’il admet sa culpabilité, de bénéficier d’une peine moindre, décidée à huis-clos par le procureur. Elle est suivie d’une audience publique d’homologation, où le juge homologue ou non la peine conclue entre le coupable et le ministère public. 

C’est ainsi que le policier poursuivi pour « violences involontaires » a écopé de 90 jours-amende à 15 euros, pour une somme totale de 1350 euros, alors qu’il encourait jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Appelé pour témoigner, Ian B. (pseudonyme), membre du collectif « Désarmons-les » créé en 2012 pour combattre les violences policières, commente à la sortie du tribunal : « Je vois d’un très mauvais œil ce recours à la CRPC dans ce dossier. Je crains que cela ne crée un précédent, et que dans d’autres dossiers de violences policières, on puisse avoir recours à cette procédure ». 

Sophie Bussière ne commente pas le choix du procureur mais s’étonne d’une « procédure un peu particulière compte tenu de la gravité des faits ». Lorsque les soutiens de Lola, parmi lesquels des membres du collectif Mutilés pour l’exemple, apprennent la peine prononcée à l’intérieur du tribunal, des huées accompagnent l’annonce, suivi du slogan « Police partout, Justice nulle part ». Pour Ian, plus que la légèreté des peines encourues avec la CRPC, c’est le fait de priver la victime de véritables débats sur le fond du dossier qui reste préoccupant : « Dans le processus de réparation d’une victime, il n’y a pas que l’argent qui compte [l’audience pour établir les dommages et intérêts aura lieu en septembre, NDLR], il faut aussi que la société prenne conscience de ce qui s’est passé ». 

À Bayonne, maigre peine pour un visage défiguré au LBD
Les soutiens de Lola Villabriga regroupés devant le tribunal. Parmi eux, des militants du collectif "Mutilés pour l'exemple". Crédits : Chloé Rébillard.

Et les quelques instants d’audience publique que la justice a bien voulu accorder à Lola Villabriga pour homologuer la peine n’ont aux yeux de Ian B. pas permis de faire le jour sur les responsabilités dans ce qui s’est passé à Biarritz, ce 18 décembre 2018. « C’est un policier qui, face à 70 manifestants, sans menace directe, suite à un tir de projectile mou (une crotte de chien) par un individu, se permet d’utiliser une arme de guerre. Je ne vois pas quel est l’objectif », explique le militant.

La condamnation ne sera pas inscrite à son casier, et cet "excellent fonctionnaire de police" pourra donc continuer à exercer.

En face, plusieurs policiers, dont le secrétaire général adjoint du syndicat droitier Alliance, sont venus soutenir leur collègue inculpé. Dans ce dossier, le récit tenu par la défense ne tente pas d’innocenter le policier, mais on insiste sur la dimension « involontaire » de l’acte : elle n’a pas été visée, l’agent de la BAC regrette son acte et souffre d’avoir infligé des blessures sévères à une jeune fille. L’avocat Guillaume Sapata insiste sur un acte commis « par imprudence » et souligne que son client est un policier « loyal, honnête et impliqué », « un exemple pour ses pairs ». 

La condamnation ne sera pas inscrite à son casier, et cet « excellent fonctionnaire de police » pourra donc continuer à exercer. Dans sa plaidoirie, il estime qu’en France, « le droit de manifester est acquis ». Un avis que ne partagent pas les « gueules cassées » qui se sont données rendez-vous devant le tribunal, pas plus que la partie civile. Sophie Bussière a profité de son plaidoyer pour rappeler qu’il existe « un glissement du maintien de l’ordre depuis des années en France », encouragé par le déni des gouvernements qui « continuent d’envoyer les policiers avec ce type d’armes ». Elle dénonce une atteinte à la liberté de manifester. 

Lola, qui a continué d’aller manifester, confie craindre désormais pour sa sécurité : « On apprend à se méfier, à observer le policier qui a l’œil dans le viseur ». Un de ses amis, lui aussi blessé par une grenade, ajoute : « Ça a été une doctrine de faire peur aux gens, ça fait partie de la chose de dissuader les gens de venir ».

« Et ça marche ! », reprend-t-elle. « En réalité, c’est toute la chaîne de commandement, dont le ministère de l’intérieur, qui devrait répondre de ces actes », a plaidé Sophie Bussière. La jeune femme et son avocate envisagent de nouvelles procédures contre la hiérarchie policière. Ce même jour, à Rennes, un non-lieu a été prononcé alors que des policiers étaient mis en cause après qu’un étudiant ait été éborgné, en 2016, par un tir de LBD.

Crédits photo de Une : Chloé Rébillard.

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